n° 205 Hiver 1998

 

L'Edito de Lucien Aurard
 

Les Droits de l’Homme ont 50 ans.

C’était le 10 décembre 1948. Le monde enfin libéré des atrocités nazis, l’Assemblée générale des Nations Unies proclamait la Déclaration universelle des Droits de l’Homme.

Un demi siècle après, nous pouvons nous réjouir du chemin parcouru : les garanties juridiques des Droits de l’Homme ont fait des progrès importants et les conventions internationales se sont multipliées. La décolonisation est terminée. L’Apartheid s’est écroulé. Les régimes totalitaires en Amérique du Sud et à l’Est de l’Europe se sont effondrés.

Les défenseurs des Droits de l’Homme, pourtant, restent vigilants car la tâche est immense et les menaces qui pèsent sur l’homme sont nombreuses en ce début du 21ème siècle. Face au drame de l’épuration ethnique et de l’intégrisme religieux, vous connaissez peut-être la réflexion de Kofi ANNAN, le secrétaire général des Nations Unies : "Il n’est pas nécessaire d’expliquer ce que signifient les Droits de l’Homme à une mère asiatique ou à un père africain dont le fils ou la fille a été torturé ou assassiné. Ils le savent malheureusement beaucoup mieux que nous ! " Mais il y a aussi tous les défis qui sont lancés par le génie créateur de l’homme. Les progrès de la science et de la technologie peuvent, nous le savons, se transformer en désastre écologique ou génétique. Que de questions aussi autour d’Internet sur le respect de la liberté et des droits de chacun, sur la création intellectuelle ! Comment passer sous silence enfin le problème de la répartition des ressources ? Les Droits de l’Homme, c’est pour tout homme.

 

 

 

 

En Eglise, aussi, nous sommes des "veilleurs d’hommes " ! Dire Dieu c’est dire la grandeur de l’homme. Vivre Dieu c’est vivre la grandeur de l’homme.

C’est le temps de l’Avent. Nous nous préparons au fêtes de Noël toutes proches. Chaque jour, grâce à la beauté et à la force des textes qui nourrissent notre méditation et notre prière, nous nous retrouvons dans la grande tradition biblique qui dit Dieu à travers les petits et les pauvres. Souvent aussi nous aimons regarder ceux, parmi nous, qui disent Dieu par la beauté et la noblesse de leur vie. Ils sont debout. Ils sont au milieu de nous les messagers de la Bonne Nouvelle.

La fête de Noël toute proche fait que notre numéro de l’Estello, à sa façon, se trouve associé aux 50 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en nous proposant une halte parmi les petits et les pauvres. Hervé aime les gens du voyage. Il en est maintenant l’aumônier diocésain. A la communauté du Pain de Vie, c’est tous les jours que la porte s’ouvre pour celui qui cherche un peu de chaleur et un accueil fraternel.

Vous voyez ! Notre petit journal du quartier saint-Ruf saint-Joseph se veut bien présent dans notre histoire d’homme et de croyant.

 A chacun, Bon Noël.

François Mangue, facteur d'orgues à l'orgue de Saint-Ruf

Le métier de facteur d'orgue est un métier étrange et complexe ; il faut savoir travailler le bois, l'étain, le plomb, avoir des connaissances en architecture et en électricité, pouvoir calculer des tracés de mécanique, avoir des notions sur l'écoulement des fluides, savoir dessiner et faire des plans, et avoir une bonne oreille ... Ouf !

Tout ça, me direz vous ?

Et oui, voilà un métier assez complexe et simple à la fois.

Complexe dans tous les domaines de la fabrication des pièces, de leurs calculs, car c'est en ceci que dépend la réussite de l'instrument.

Bons calculs des claviers, des renvois de mécanique, des soupapes = bon toucher.

Bons calculs de section des porte vents, des soufflets, des hauteurs de gravure, des diamètres des perces = bonne alimentation.

Bons calculs des tailles de tuyaux, des sections de postages, de la disposition sur les sommiers, de la pression = bons résultats sonores, pour peu que les tuyaux soient bien fabriqués et que l'harmonie soit adaptée à l'édifice.

Simple parce que visuellement l'orgue s'adapte souvent à l'édifice et simple aussi parce que toutes ces notions dont j'ai parlé plus haut n'ont rien à voir en compléxité avec l'intérieur d'un satellite. Par exemple, la touche tire sur une vergette qui tire la soupape et donne du vent aux tuyaux, simple non ?

Bon, et mon travail à St-Ruf alors ?

Et bien il a consisté :

* En la fabrication de guide pour la mécanique des notes du

deuxième clavier.

* En le remplacement de la turbine qui fournit le vent à l'orgue (l'ancienne était insuffisante).

* Au démontage des tuyaux et de leur réharmonisation.

* Au réglage de l'étanchéité des registres avec les chapes pour le premier clavier.

* A la mise en place de 42 nouveaux tuyaux pour le pédalier (les tuyaux manquaient).

* A un accord complet de l'orgue.

 

Un article : Hervé, aumônier diocésain des gitans... par Hervé d’Anselme

I

Les Gitans…

Gitans, Manouches, Bohémiens, Tsiganes, Romanichels… Autant de mots par lesquels nous avons souvent tendance à aborder le monde, si différent du nôtre, qu’est celui des gens du voyage ! Derrière chacun de ces mots, tous les " gadgé " (non gitans) que nous sommes voient immédiatement apparaître des images … d’Épinal ! Il s’agit du voleur de poule, de gens sales, malhonnêtes, qui n’ont d’autres lois et respects que celui du groupe et de la tribu à laquelle ils appartiennent… C’est pas très sympa et surtout très restrictif !

Essayons donc une autre approche … Là encore, ce sont d’autres images d’Épinal qui nous viennent en tête : un feu de camp, de la musique, des guitares, les saintes Maries de la mer, de belles–grandes-grosses caravanes et voitures. Tout cela est parfois vrai, mais il est trop facile de s’en arrêter à ses premières impressions… ce n’est pas tous les gitans qui sont ainsi, et ce n’est pas le tout de leur vie !

II

 

Changeons encore de lunette alors ! Au-delà de toutes les apparences, il nous est également possible d’aborder les membres de ces communautés en voyant n’ont pas un groupe, une collectivité, une tribu, mais des personnes qui comme chacune d’entre nous, ont des qualités, des richesses, des limites … Ainsi, nous pouvons découvrir que parmi ce que l’on appelle les gitans, il y a des gens de grande qualité, et comme partout ailleurs, des malfrats !

En fait, pour ceux qui ne sont pas de ce monde, le " gitan " a toujours véhiculé avec lui une double attitude : Il est celui qui fait peur (on ne le connaît pas, on ne se sent pas accueilli chez lui, il est difficile d’entrer dans un clan, il ne parle pas notre langue, n’a pas la même culture…) ; Dans le même temps, il attire et séduit du fait même de la liberté qu’il exprime et revendique (souvent itinérant, il a le courage de refuser ce qui l’enferme et pour cela, il n’hésite pas à partir pour aller chercher un ailleurs, meilleur !).

 

III

… sont au milieu de nous…

Dans une ville comme Avignon et sur nos paroisses de St Ruf et St Joseph entre autre, nous le savons bien, les gitans ne sont pas loin ! En effet, même si nous ne pouvons pas toujours les localiser de façon précise, notre ville (plus généralement la région) est un lieu où les gens du voyage ont facilement élu domicile … Pour certains d’entre eux, cela fait maintenant plus de 50 ans qu’ils résident parmi nous …

Même s’ils ont parfois gardé un côté voyageur et nomade, ils ont été " obligé " de prendre un certain nombre de dispositions pour vivre une certaine intégration dans notre mode de vie. Pour tout ce qui relève de la scolarisation, des allocations, de la couverture sociale, il a bien fallu qu’il rentre dans le système afin de pouvoir en bénéficier. De ce fait, bon nombre d’entre eux, vivent aujourd’hui selon un mode " semi sédentaire ". Que ce soit dans de petites maisons (souvent en préfabriqué) ou en caravane, la plupart d’entre eux ont adopté un mode de vie relativement semblable au nôtre.

Malgré tout, le monde gitan conserve toujours et partout son mode de vie, sa culture … C’est ainsi que nous retrouvons en différents coins de la ville, des communautés gitanes qui se retrouvent selon des appartenances communes à une famille ou par une ethnie particulière. Leur mode de vie étant différent du nôtre, ils apprécient de se retrouver entre eux pour continuer à faire grandir les valeurs et traditions qu’ils ont reçues de leurs anciens (le sens de la famille, le respect du plus petit, le sens du partage, la foi…)

 

IV

… et dans mon cœur !

On peut se poser la question de savoir comment et pourquoi un ‘‘jeune’’ prêtre comme moi s’est retrouvé en contact avec ces gens ?

Plusieurs éléments permettent de répondre à cette interrogation. Je les regrouperai en deux catégories différentes. La première relève plus de mon passé et de concours de circonstance. La seconde à un enracinement plus biblique, spirituel, ecclésial…

1) Fils de militaire, j’ai énormément bougé, déménagé, rencontrer des gens très différents de style culturel et de mode de vie. Aussi, sans être gitan, je pense que mon expérience et mon passé m’ont préparé à la rencontre de ce monde. De même, la notion de profonde liberté face à toute personne, institution … fait partie de ma vie. De plus, même si cela n’a pas toujours été le cas, les notions de fidélité, de racines, d’héritage et de traditions ont marquées mon éducation. Ces différents éléments ont certainement aidé à ma rencontre du monde gitan. Enfin, alors que j’étais en dernière année de séminaire, j’ai eu la possibilité, l’opportunité, de rencontrer une famille gitane avec laquelle les a priori respectifs (gitan-gadge et gadgé-gitan) n'avaient pas de sens.

2) Trois phrases de la bible peuvent résumer mon attention à ce peuple : ‘‘Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait’’, ‘‘Allez, de TOUTES les nations faîtes des disciples… apprenez leur à garder tous les commandements que je vous ai donné’’ et ‘‘Je ne suis pas venu pour les justes et les bien-portants, mais pour les malades et les pécheurs’’.

 

"Tout juste atteint 15 ans et demi, je me retrouve enceinte.

- Va-t-en au diable, coureuse, il n'est pas de moi, me lance le père de l'enfant.

- Je t'emmène demain chez le médecin et on va voir ce qu'on va voir, hurle mon père entre deux ières.

Et pourtant

Seule dans mon malheur, je décide, je ne sais pourquoi, de garder l'enfant. Sans lui, je n'aurais jamais demandé de l'aide et je n'aurais jamais rencontré les soeurs.

Je me suis convertie un an après, et même si j'ai dû vivre des choses encore difficiles - confier mon enfant pour qu'il soit heureux dans une famille d'adoption - depuis 30 ans, je n'ai pas de plus grand bonheur que de connaître Dieu et de Lui rester fidèle."

Et si c"était NOËL, aujourd’hui encore en chucun de nous ?

Si Jésus se faisait (re)connaître à nous en cmpruntant le manteau de l'impromptu dérangeant, et même de l'impromptu douloureux ?

Parfois joyeux, souvent désagréables, nous savons bien reconnaître sous l'action de l'Esprit Saint, ces évènements qui bouleversent nos vies et notre Foi! Ils déchirent en nos profondeurs cachées, le délicat équilibre que le temps a forgé.

Mais quelle résistance! Quelle énergie pour nier l'évidence. Il nous faut ACCUEILLIR. Nous sommes prompts pourtant à combler la béance creusée par nos inquiétudes de considérations intellectuelles, de raisonnements rassurants.

L’enfant Jésus est né entre deux exils. Il lui a fallu, avant même de naître, quitter le paisible village de Nazareth, connaître l'angoisse dans le ventre de sa mère, et à peine né, fuir à nouveau sur les routes, cette fois se retrouvant probablement sans domicile (fixe).

Aujourd'hui, les sciences humaines nous feraient désespérer de l'avenir de cet enfant, à jamais traumatisé par la vie. Comment a-t-il pu se développer-après un si mauvais départ ? Comme pour cette jeune mère de 15 ans et demi, c'était bien mal parti!

Et pourtant, longtemps plus tard, même lorsqu'il n'y avait plus rien à comprendre des agissements des hommes, jusqu'à l'agonie du coeur, Jésus a toujours gardé sa capacité à ACCUEILLIR.

Quel est son secret ?

CONFIANCE ABSOLUE AU PERE. Indéfectible confiance au Père!

Voyez ce double mouvement, cet échange amoureux:

- Confiance, c'est l'élan de l'homme, c'est sa part à lui - un vieux trappiste de 85 ans nous affirme que c'est le maître-mot de la vie chrétienne, la seule qualité de l'être.

- Le Père, c'est le géniteur, c'est l'auteur de toute réalité humaine et spirituelle. C'est de Lui que vient la vie, plus forte que tout désespoir, plus forte que la mort!

C'est en se tournant vers le Père que l'on peut, concrètement, franchir les embûches du chemin semées par de nouveaux Hérodes.

Et plus intimement, c'est en acceptant sa paternité sur tout notre être qu'on peut accueillir le chemin qu'il trace, avec notre participation et qui souvent nous tire hors des sentiers battus...

"Si vous ne redevenez des petits enfants ... "

France -Communauté du Pain de Vie

 

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