n° 205 Hiver 1998 |
Un article : Hervé, aumônier diocésain des gitans... par Hervé dAnselme | ||
I Les Gitans Gitans, Manouches, Bohémiens, Tsiganes, Romanichels Autant de mots par lesquels nous avons souvent tendance à aborder le monde, si différent du nôtre, quest celui des gens du voyage ! Derrière chacun de ces mots, tous les " gadgé " (non gitans) que nous sommes voient immédiatement apparaître des images dÉpinal ! Il sagit du voleur de poule, de gens sales, malhonnêtes, qui nont dautres lois et respects que celui du groupe et de la tribu à laquelle ils appartiennent Cest pas très sympa et surtout très restrictif ! Essayons donc une autre approche Là encore, ce sont dautres images dÉpinal qui nous viennent en tête : un feu de camp, de la musique, des guitares, les saintes Maries de la mer, de bellesgrandes-grosses caravanes et voitures. Tout cela est parfois vrai, mais il est trop facile de sen arrêter à ses premières impressions ce nest pas tous les gitans qui sont ainsi, et ce nest pas le tout de leur vie ! |
II
Changeons encore de lunette alors ! Au-delà de toutes les apparences, il nous est également possible daborder les membres de ces communautés en voyant nont pas un groupe, une collectivité, une tribu, mais des personnes qui comme chacune dentre nous, ont des qualités, des richesses, des limites Ainsi, nous pouvons découvrir que parmi ce que lon appelle les gitans, il y a des gens de grande qualité, et comme partout ailleurs, des malfrats ! En fait, pour ceux qui ne sont pas de ce monde, le " gitan " a toujours véhiculé avec lui une double attitude : Il est celui qui fait peur (on ne le connaît pas, on ne se sent pas accueilli chez lui, il est difficile dentrer dans un clan, il ne parle pas notre langue, na pas la même culture ) ; Dans le même temps, il attire et séduit du fait même de la liberté quil exprime et revendique (souvent itinérant, il a le courage de refuser ce qui lenferme et pour cela, il nhésite pas à partir pour aller chercher un ailleurs, meilleur !). |
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III sont au milieu de nous Dans une ville comme Avignon et sur nos paroisses de St Ruf et St Joseph entre autre, nous le savons bien, les gitans ne sont pas loin ! En effet, même si nous ne pouvons pas toujours les localiser de façon précise, notre ville (plus généralement la région) est un lieu où les gens du voyage ont facilement élu domicile Pour certains dentre eux, cela fait maintenant plus de 50 ans quils résident parmi nous Même sils ont parfois gardé un côté voyageur et nomade, ils ont été " obligé " de prendre un certain nombre de dispositions pour vivre une certaine intégration dans notre mode de vie. Pour tout ce qui relève de la scolarisation, des allocations, de la couverture sociale, il a bien fallu quil rentre dans le système afin de pouvoir en bénéficier. De ce fait, bon nombre dentre eux, vivent aujourdhui selon un mode " semi sédentaire ". Que ce soit dans de petites maisons (souvent en préfabriqué) ou en caravane, la plupart dentre eux ont adopté un mode de vie relativement semblable au nôtre. Malgré tout, le monde gitan conserve toujours et partout son mode de vie, sa culture Cest ainsi que nous retrouvons en différents coins de la ville, des communautés gitanes qui se retrouvent selon des appartenances communes à une famille ou par une ethnie particulière. Leur mode de vie étant différent du nôtre, ils apprécient de se retrouver entre eux pour continuer à faire grandir les valeurs et traditions quils ont reçues de leurs anciens (le sens de la famille, le respect du plus petit, le sens du partage, la foi ) |
IV et dans mon cur ! On peut se poser la question de savoir comment et pourquoi un jeune prêtre comme moi sest retrouvé en contact avec ces gens ? Plusieurs éléments permettent de répondre à cette interrogation. Je les regrouperai en deux catégories différentes. La première relève plus de mon passé et de concours de circonstance. La seconde à un enracinement plus biblique, spirituel, ecclésial 1) Fils de militaire, jai énormément bougé, déménagé, rencontrer des gens très différents de style culturel et de mode de vie. Aussi, sans être gitan, je pense que mon expérience et mon passé mont préparé à la rencontre de ce monde. De même, la notion de profonde liberté face à toute personne, institution fait partie de ma vie. De plus, même si cela na pas toujours été le cas, les notions de fidélité, de racines, dhéritage et de traditions ont marquées mon éducation. Ces différents éléments ont certainement aidé à ma rencontre du monde gitan. Enfin, alors que jétais en dernière année de séminaire, jai eu la possibilité, lopportunité, de rencontrer une famille gitane avec laquelle les a priori respectifs (gitan-gadge et gadgé-gitan) n'avaient pas de sens. 2) Trois phrases de la bible peuvent résumer mon attention à ce peuple : Ce que vous avez fait au plus petit dentre les miens, cest à moi que vous lavez fait, Allez, de TOUTES les nations faîtes des disciples apprenez leur à garder tous les commandements que je vous ai donné et Je ne suis pas venu pour les justes et les bien-portants, mais pour les malades et les pécheurs. |
"Tout juste atteint 15 ans et demi, je me retrouve enceinte. |
- Va-t-en au diable, coureuse, il n'est pas de moi, me lance le père de l'enfant. |
- Je t'emmène demain chez le médecin et on va voir ce qu'on va voir, hurle mon père entre deux ières. |
Et pourtant |
Seule dans mon malheur, je décide, je ne sais pourquoi, de garder l'enfant. Sans lui, je n'aurais jamais demandé de l'aide et je n'aurais jamais rencontré les soeurs. |
Je me suis convertie un an après, et même si j'ai dû vivre des choses encore difficiles - confier mon enfant pour qu'il soit heureux dans une famille d'adoption - depuis 30 ans, je n'ai pas de plus grand bonheur que de connaître Dieu et de Lui rester fidèle." |
Et si c"était NOËL, aujourdhui encore en chucun de nous ? |
Si Jésus se faisait (re)connaître à nous en cmpruntant le manteau de l'impromptu dérangeant, et même de l'impromptu douloureux ? |
Parfois joyeux, souvent désagréables, nous savons bien reconnaître sous l'action de l'Esprit Saint, ces évènements qui bouleversent nos vies et notre Foi! Ils déchirent en nos profondeurs cachées, le délicat équilibre que le temps a forgé. |
Mais quelle résistance! Quelle énergie pour nier l'évidence. Il nous faut ACCUEILLIR. Nous sommes prompts pourtant à combler la béance creusée par nos inquiétudes de considérations intellectuelles, de raisonnements rassurants. |
Lenfant Jésus est né entre deux exils. Il lui a fallu, avant même de naître, quitter le paisible village de Nazareth, connaître l'angoisse dans le ventre de sa mère, et à peine né, fuir à nouveau sur les routes, cette fois se retrouvant probablement sans domicile (fixe). |
Aujourd'hui, les sciences humaines nous feraient désespérer de l'avenir de cet enfant, à jamais traumatisé par la vie. Comment a-t-il pu se développer-après un si mauvais départ ? Comme pour cette jeune mère de 15 ans et demi, c'était bien mal parti! |
Et pourtant, longtemps plus tard, même lorsqu'il n'y avait plus rien à comprendre des agissements des hommes, jusqu'à l'agonie du coeur, Jésus a toujours gardé sa capacité à ACCUEILLIR. |
Quel est son secret ? |
CONFIANCE ABSOLUE AU PERE. Indéfectible confiance au Père! |
Voyez ce double mouvement, cet échange amoureux: |
- Confiance, c'est l'élan de l'homme, c'est sa part à lui - un vieux trappiste de 85 ans nous affirme que c'est le maître-mot de la vie chrétienne, la seule qualité de l'être. |
- Le Père, c'est le géniteur, c'est l'auteur de toute réalité humaine et spirituelle. C'est de Lui que vient la vie, plus forte que tout désespoir, plus forte que la mort! |
C'est en se tournant vers le Père que l'on peut, concrètement, franchir les embûches du chemin semées par de nouveaux Hérodes. |
Et plus intimement, c'est en acceptant sa paternité sur tout notre être qu'on peut accueillir le chemin qu'il trace, avec notre participation et qui souvent nous tire hors des sentiers battus... |
"Si vous ne redevenez des petits enfants ... " |
France -Communauté du Pain de Vie |