n° 203 Eté 1998

 

L'Edito de Lucien Aurard

Avec le printemps, les platanes et les marronniers donnent à Saint Ruf le visage calme et reposant d’un quartier qui se prépare aux chaleurs de l’été. Et pourtant, comme chaque année, avant que ne commencent les vacances, la vie ne cesse de s’accélérer. C’est le temps des examens, du mariage, des baptêmes, des premières communions et de la profession de foi. C’est aussi le temps des kermesses et, chez nous, de la brocante. Tout cela crée beaucoup de mouvement et de souci. Mais quelle joie lorsque tout s’est bien passé !

Nous avons déjà quelques belles réussites à fêter. Plusieurs de nos jeunes ont vu leur travail de l’année couronné de succès. Bravo à tous ! Mais tout particulièrement la paroisse Saint Ruf est heureuse de féliciter Patrice LORIN qui vient d’obtenir la médaille d’or dans la classe d’orgue de Lucienne ANTONINI, au conservatoire d’Avignon. Nous aimons beaucoup Patrice, la beauté de ce qu’il fait, son talent et sa compétence. Cette médaille d’or l’honore et nous réjouit tous.

Savez-vous aussi que notre secteur paroissial Saint Ruf – Saint Joseph est sur internet ? Grâce au travail conjugué d’Hervé qui est un "pro en informatique" et de Mistral Bureautique nous avons notre site. Si vous êtes "branché", faîtes : http://www.mistralbureau.fr/struf/ et vous découvrirez l’histoire de Saint Ruf et de Saint Joseph, la présentation de notre secteur paroissial, l’équipe de prêtres et d’autres choses encore. C’est un beau travail et ce n’est sûrement qu’un début !

Notre histoire, au quotidien, est marquée aussi par les heures de tristesse et de souffrance. Notre secteur paroissial a vécu " l’à Dieu " à Céline qui est morte tragiquement assassinée et celui de Pierre Thomas, le fils de France et de Bruno, nos frères du Pain de Vie. Il y a des moments où on a l’impression de se retrouver face à un mur infranchissable, comme s’il fallait admettre qu’il n’y a rien d’autre que la souffrance, l’échec, la mort. C’est dans la pauvreté et humblement que nous nous sommes mis face à une Parole autre que la nôtre, à une voix qui nous appelle vers d’autres points de vue.

Et nous voilà à présent aux portes de l’été, que ce nouveau numéro de l’Estello soit pour chacun de nous un trait d’union au moment où les vacances vont donner le signal de la dispersion.

Nous nous retrouvons, bien sûr, à la rentrée… avec mille projets.

 

Un article : QUAND LES ESCLAVES RACHETÉS TRAVERSAIENT AVIGNON (à propos du 8° centenaire de l'Ordre des Trinitaires) par M.H.

I

En 1985, les Soeurs trinitaires de l'institution Champfleury, sur notre paroisse, célébraient le troisième centenaire de leur fondation à Valence: Cette année, c'est tout l'Ordre des trinitaires qui commémore l'accueil à Rome début 1198 de saint Jean de Matha par Innocent III et son approbation par le pape.

Quand le temps arrive où nous ne pouvons plus prier, c'est très simple : laissons dans le silence de notre coeur Jésus dire en nous le Notre Père. Si nous ne pouvons pas parler, il parlera. Si nous ne pouvons pas prier , il priera. Donnons-lui donc notre incapacité et notre néant.        Mère Térésa

II

La vocation première de cet Ordre était le rachat des captifs libérés des musulmans, souvent des pirates barbaresques, alors que ses religieux se consacrent surtout aujourd'hui à l'apostolat des prisons et des hôpitaux (malades du sida à l'hôpital Edouard Rist à Paris, par exemple). Il m'a paru intéressant d'évoquer la persistance de l'activité initiale - nous apprenons d'ailleurs que la dernière rédemption générale pour la France eut lieu en 1787 -, et l'impression qu’elle pouvait produire sur un Avignonnais du milieu du XVIII° siècle.

L'ESTELLO présente ses vives félicitations à Patrice LORIN, qui vient de réussir à sa médaille d'or dans la classe d'orgue du Conservatoire d'Avignon, et Christine BONET admise à entrer en classe supérieure de ce même Conservatoire.

III

Cela grâce au journal que tint à partir de 1753, heure par heure, le chanoine Jean-Baptiste Franque, fils et frère des célèbres architectes, journal conservé à la bibliothèque municipale (médiathèque Ceccano). Ses journées commençaient à 6 heures pour être présent à l'office de Saint-Agricol à 7 heures. Voici ce qu'il écrit le 29 novembre 1758 : " [ ... ] A 4 h 3/4, à la Trinité (soit la chapelle primitive de l'ancien hôpital Sainte-Marthe, à droite après avoir franchi le portail percé dans le rempart) pour voir les 50 esclaves qui sont arrivés cet après-midi (entendons : le repas de midi) sur les 2 heures. On a tiré quelques boîtes (pièces d'artifice) à leur arrivée, et tout de suite le pardon de 40 heures commence dans l'église de la Trinité. A 5 h 1/4, ils se sont mis à table - J'ai aidé à les servir - les suisses étaient à la porte. On leur a donné d'abord une écuelle de soupe de riz, ensuite un bon morceau d'omelette et quelques sardines ou un morceau de poisson, ensuite une livre presque de châtaignes, du bon pain et du bon vin. 5 ou 6 de ces esclaves, apparemment des capitaines ou les principaux, ont mangé à une table ronde dans une autre salle et les autres en table longue. Il est venu avec eux une douzaine de trinitaires pour les conduire soit de Saint-Rémy ou de Tarascon, avec les deux "  rédemptans ". A 6 heures, fini de souper ; on a fait tirer ensuite quelques douzaines de fusées. A 6 h 1/4, chez moi. Complies à 8 h. Collation à 9 h, matines (sic), laudes. Aujourd'hui temps couvert, ce soir pluie. Les esclaves couchent un peu partout dans les auberges. Ils vont à Paris se présenter devant le Roi. Ils sont venus aujourd'hui de Tarascon où ils firent hier la procession.

IV

Le 30 (soit un jeudi), à 6, lever. A 8 h 1/2 à Saint-Agricol ; à 9 h 1/2, grand messe ; à 10 h 1/2 à Sainte-Catherine (couvent de cisterciennes dans la rue du même nom derrière le palais des Papes), ma messe. A 11 h 1/4, J'ai été à l'hôpital étant vis-à-vis des pénitents bleus (leur chapelle était rue des Infirmières, près des Carmes ; Avignon comprenait alors sept confréries de pénitents) ; la procession des esclaves a commencé de passer. Il y avait à la tête, les trompettes, violons et timbales, venaient ensuite les pénitents blancs ; après eux venaient les esclaves au nombre de 50. Il y avait des enfants habillés en anges, des vierges, des Turcs, etc., avec une châîne d'argent que chaque esclave tenait d'un bout. Les trinitaires au nombre d'une quinzaine venaient ensuite, les deux " rédemptans " étaient avant les trinitaires. Le ministre, le P. Pascalis, terminait la procession. Il y avait un monde infini , nonobstant la grande boue qu'il y avait : j'ai été à l'hôpital voir des malades à midi ½. J'ai retourné à la maison avec ma nièce..., où elle y a dîné à 1 heure. (Offices du soir habituels)... Aujourd'hui temps couvert tout le jour, le soir sur les 5, pluie. Je crois que la procession des esclaves s'est retirée sur les 4 heures.

Qui cherche la réconciliation avec un coeur tout simple parvient à traverser les situations endurcies, tout comme au premier printemps l'eau du ruisseau se fraie un passage à travers une terre encore gelée. Frère Roger

Rien n'est plus beau qu'un visage rendu transparent par toute une vie de peines et de joies, de combats et de paix intérieure.

De qui est cette phrase ?

V

Sur les 52 rachats d'esclaves réalisés dans la France des XVIle-XVIlle siècles, l'on sait que 47 libérèrent 2 323 captifs, mais les chroniqueurs de l'Ordre donnent pour la chrétienté des chiffres différents, qui évoluent de 46 à 90 000.

 

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