n° 215 Eté 2001

 

L'Edito par Lucien AURARD

I

Mon Dieu, que les tourterelles sont bavardes.

Au petit matin ou à l'heure de la sieste et encore le soir lorsque les bruits de la journée se retirent, les tourterelles se promènent d'arbre en arbre et, leur gorge grise bien bombée, elles remplissent tout le quartier Saint-Ruf de leurs roucoulements. Elles commentent peut-être les évènements. Leur jugement doit être sévère souvent. Pas tellement avec Loft  Story. La condamnation est trop unanime. Il y a mieux à dire et elles ont lu Balzac «l'hypocrisie est, chez une nation, le dernier degré du vice. C'est donc faire acte de citoyen que de s'opposer à cette tartuferie sous laquelle on couvre des débordements.»

II

Il est un autre «problème de société» par contre qui ne leur échappe pas. Après avoir rempli nos assiettes, l'animal aujourd'hui envahi notre actualité. On l'immole par dizaines, centaines de milliers. Pourquoi ces massacres ? Les hécatombes de ces dernières semaines, sans précédent par leur ampleur, amènent à des parallèles historiques sans doute délicats mais quand même ! Comment ne pas voir dans les gigantesques bûchers des campagnes européennes des relents de ceux qui, jadis, punissaient hérétiques et sorcières ? Une philosophe, Elisabeth de Fontenay, compare nos méthodes barbares avec les bêtes à celles du troisième Reich. Elle cite l'écrivain juif Isaac Bashevis Singer, prix Nobel : «Ce que les nazis avaient fait aux juifs, l'homme le faisait à l'animal».

III

Et savez-vous que Gandhi a écrit: «La façon dont une nation s'occupe de ses animaux reflète fidèlement sa  grandeur et sa hauteur morale.» Si le principe se vérifie, nous pouvons faire profil bas. Dans le Nouveau Testament, Jésus est présenté comme «l'Agneau de Dieu». et le poisson est devenu le symbole des premiers chrétiens. Tout simplement parce que les lettres du mot grec ikhthys permettaient de décliner l'essentiel de la foi chrétienne: «Jésus Christ, fils de Dieu, sauveur». difficile d'affirmer avec plus de force la dignité de l'animal.

IV

Heureusement, Mesdames les tourterelles, saint François d'Assise vous appelle «sueurs». Il donne même le nom de frère au loup de Gubbio, pourtant féroce. Et si vos promenades bavardes vous conduisent vers la nouvelle gare du TGV qui va être inaugurée solennellement, ne soyez pas trop sévères et lisez ce numéro de l'Estello. Les rats des champs, les taupes, les petits mulots, les écureuils et Jeannot lapin, vous êtes tous invités à vous laisser étonner et sûrement bousculer dans vos habitudes. Mais là, me semble-t-il, l’œuvre de l'homme est oeuvre d'art et s'inscrit joliment dans le paysage. Et c'est aussi louange à notre Dieu.

 

Et vous, montagnes et collines, Et vous les plantes de la terre, Vous tous les oiseaux dans le ciel,Vous tous, fauves et troupeaux, Et vous les enfants des hommes, Bénissez le Seigneur.

Un article : Le Pardon... par Hervé d'Anselme

I

Tu as du prix à mes yeux
La gloire de Dieu c'est l'homme vivant.

C'est par ces deux phrases que je souhaite commencer pour aborder la question du pardon. Aborder la question du péché, en effet, c'est me semble-t-il regarder d'abord ce qui grandit l'homme, le fait que nous avons du prix aux yeux de Dieu. Exprimé d'une autre façon, par saint Irénée, aborder la question du péché, de la pénitence, de la réconciliation, c'est regarder le fait que l'homme est vivant, que l'homme debout c'est la gloire de Dieu.

II

Trop souvent, depuis des années, voir des siècles, tout ce qui a trait au péché a été regardé par l'Eglise comme quelque chose de très négatif, qui enferme l'homme et le coupe de la relation d'amour avec Dieu. Si ces différentes approches sont justes et vraies, il me semble beaucoup plus important, aujourd'hui, en Eglise, de regarder comment ce qui abîme l'homme peut également devenir pour lui source de joie, de bonheur, de paix.

III

Tout homme est une histoire sacrée ! Vous le savez comme moi, l'homme est créature de Dieu, voulu par lui de toute éternité. De ce fait, le fond de l'homme est d'abord quelque chose de grand, de beau, une merveille devant Dieu… Si l'homme, en son origine, était à la ressemblance de Dieu, il est vrai, aussi, que nos pratiques quotidiennes transforment malheureusement cette image. C'est ce que l'on peut appeler le péché, cette volonté, ce choix, de ne pas correspondre à ce pourquoi nous sommes faits.

Chacun d'entre nous, en effet, il nous arrive (trop fréquemment pour moi en tous cas) de poser des actes, des paroles contraires à ce pourquoi nous sommes véritablement voulus et créés. Aussi, pour le chrétien, depuis son baptême, la question (devrait) se pose(r) de façon habituelle : Où en suis-je de ma vie ? Mes intentions, mes paroles, mes actions sont-elles en "conformité" avec l'évangile que Jésus est venu inscrire au coeur de ma vie ? En cette période de carême, plus particulièrement, nous pouvons tous faire le constat que le péché est malheureusement présent… Mais, ce qui est extraordinaire avec "notre" Dieu (la chance et l'originalité de la vie chrétienne), c'est qu'il n'est pas le dernier mot de notre histoire ! Cela, nous le savons par Jésus, sa mort et sa résurrection. En effet, si le péché consiste à un enfermement dans lequel l'homme ne peut seul réussir à se libérer de quelque forme de culpabilité que ce soit, le Christ est venu nous libérer (nous sauver) de cette situation.

C'est ce que nous appelons le pardon ! L'accueil de cette libération, le fait d'accepter qu'un autre peut m'aider à me relever et que, sans lui, je n'y arriverais pas ! Pardonner, c'est donner au-delà de tout ce que l'on peut imaginer. Dans le pardon chrétien, Dieu ne distribue pas des dons, il se donne lui-même. Et le chrétien, ne reçoit pas des grâces, il se reçoit de la grâce de Dieu, comme fils et comme frère… Le pardon, c'est une histoire de réconciliation avec Dieu, et nos frères, en Eglise.

IV

Vous le savez, je suis particulièrement sensible à toute la réalité internet. Dans ce domaine, il est fréquent d'entendre parler de la "toile d'araignée" que constituent toutes les relations entre internautes. En fait, toutes ces relations, cette gigantesque toile, n'est rien d'autre qu'un ensemble de fils qui relient entre les différents coins du monde, différentes personnes. Cette toile est constituée de tous les liens : ceux qui me relient à mes proches, ceux que j'aime, ceux que je choisi de fréquenter et que j'essaye d'aimer ; ceux avec qui je vis sans forcément les avoir choisi d'ailleurs (une classe, des voisins, un quartier, ceux que parfois je n'aurais pas voulu choisir et que je n'aime pas !) ; ceux enfin avec lesquels les fils sont peut-être plus invisibles mais non moins réels… (les défunts de ma famille, ceux qui ont constitué mon histoire et qui sont mes racines, ceux dont je viens...). En fait, derrière tous ces fils, il nous faut y voir des visages ! Malheureusement, parfois, nous commettons ce que l'on appelle un péché. Cela veut dire que nous rompons un de ces fils qui nous relie à d'autre(s) et… une distance prend naissance entre eux et nous (par la même occasion d'ailleurs, nous prenons aussi de la distance par rapport à Dieu !). Heureusement, en vivant cette distance avec les autres, nous ne sommes pas perdus comme le serait un cosmonaute qui aurait rompu le lien entre lui et son vaisseau, nous ne sommes pas enfermés dans la solitude. En acceptant le principe du pardon, de la réconciliation, nous laissons Dieu renouer le fil rompu… Et, une fois le noeux fait, voici que la distance entre Dieu et mois est raccourcie ! Ainsi, si le péché est tout d'abord une rupture, il devient aussi un raccourci vers Dieu ! (n'abusez pas pour autant du péché sous prétexte de raccourcir la distance avec Dieu...). Célébrer la pénitence, la réconciliation ne consiste donc pas à se tourner seulement vers le passé, c'est aussi et peut-être d'abord, une célébration de la fidélité de Dieu qui ne veux pas la mort du pécheur, mais des fils et des frères.

Alors, laissons-nous réconcilier !                

Un autre article : Avignon... (Libre Propos) par Anne Camboulives

I

Avignon sous le feu des projecteurs : après avoir été ville européenne de la culture en l'an 2000 et plus qu'aucune autre représentative de l'enjeu des élections municipales en mars 2001, notre ville continue de faire parler d'elle.

II y a quelques jours est venu le Président de la République lui-même qui a inauguré la toute nouvelle gare TGV. II y a presque deux ans, on nous avait présenté le projet d'aménagement de la zone de Courtine, "porteuse d'investissements et d'emploi"...

D'éminents architectes avaient planché sur le sujet. Ce n'est plus un rêve, c'est une réalité : demain Paris ne sera plus qu'à deux heures et demie, Lyon à une heure et Barcelone à moins de deux heures.

II

A saint-Ruf, nous sommes plus concernés que quiconque. La Courtine, qui fait partie du territoire de la paroisse, c'est au pied de chez nous, et beaucoup aiment aller se promener à vélo dans cette campagne, le dimanche. J'en suis, justement. Désormais quand je vais m'y promener, entre les deux mon coeur balance. Lorsque surgit cet immense vaisseau troué de mille hublots, comment ne pas être admiratif ?


Certes ce n'est pas une cathédrale, ni un château médiéval. Mais il faut vivre avec son temps ! Cultiver l'Histoire à tout prix, n'est?ce pas un peu rétrograde ?Cela aurait pu n'être qu'un cube de béton, après tout. Une forme pratique et rationnelle, pour un usage quotidien. Mais non, le savoir-faire de l'homme ? les architectes, les ingénieurs, les ouvriers ? grâce à des prouesses technologiques, sûrement, ont accordé de la place au rêve. Elle a quelque chose de grandiose et d'émouvant cette gare?symbole, trait d'union entre l'espace et le temps.

III

Alors d'où vient ce pincement au coeur, ce petit goût de nostalgie ? J'aime au détour d'un chemin voir détaler un petit lapin, humer l'odeur des bois, sourire de joie devant un champ de coquelicots, admirer la révérence des tournesols, ou ramener dans mon petit panier d'osier une brassée de genêts d'or... J'aime contempler l'oeuvre de Dieu et je suis émue par l'intelligence de l'homme
péniblement mais avec amour pourtant, il travaille la terre, arrache les mauvaises herbes et chasse les ronces pour permettre aux arbres, aux légumes et aux fleurs de pousser, en domestiquant la nature il devient créateur à son tour. Est?ce l'amateur de promenades bucoliques qui s'inquiète ? Pourtant on nous a assurés qu'on ne "blesserait pas le paysage". Faisons confiance, rats des champs, taupes, mulots, écureuils, n'ayez pas peur !

IV

Lorsque les romains construisaient le Pont du Gard, que devaient dire les habitants d'alors ? Nous admirons aujourd'hui cette oeuvre qui a traversé les siècles mais à l'époque, peut?être était?ce prodigieusement choquant et révolutionnaire ? Puisqu'on ne peut pas aller contre le progrès, puisque l'homme est ainsi fait qu'il a envie d'aller toujours plus loin, et plus vite, inutile de freiner des quatre fers, autant se féliciter qu'il ait envie de le faire bien, dans le respect de la nature et de l'environnement ? Les sublimes hauteurs de la forme idéale que depuis toujours recherche l'homme moderne n'ont d'égale que la sagesse immémoriale du fond insondable de son coeur : ne veut?il pas créer la beauté, et la rendre éternelle ? N'est?il pas en cela justement le digne fils de Dieu.

En parcourant nos quartiers et nos rues - 7 par Michel HAYEZ

 

I

Sur les quelques 220 voies que comprennent les paroisses St-Ruf et St-Joseph, j'en ai présenté une centaine, ventilée par thèmes comme les musiciens, les troubadours et félibres, les historiens et érudits, les architectes. Dans le solde de ces dénominations, certains oublis ont été commis, d'autres portent le nom de personnes dont l'identité nébuleuse n'inspire pas d'évocation, d'autres encore paraissent banales, telles les noms de plantes (un vrai jardin !). Enfin, j'aimerais plus tard vous entraîner avec les voies convergeant vers les remparts ou les anciens boulevards tracés d'est en ouest, dans le passé des plus vieilles maisons et peut-être des familles qui les ont habitées.
Revenant donc au sud de nos paroisses, je relève que de même que le carrefour entre la rocade, parallèle à cet endroit à l'avenue Allende (Salvador, leader socialiste renversé de la présidence du Chili et victime du putsch militaire en septembre 1973 ; C.M. du 22 juillet 1977), et la route de Tarascon, reçut le nom de rond-point des Français libres (C.M. du 18 novembre 1986), le jeune Pierre Michel (1921 - 1945), mort en déportation, deux résistants âgés de, vingt ans fusillés en 1944, Jean-Marie Montel et Louis Liotaud furent honorés (C.M. du 6 février 1961) dans le lotissement ou cité Clarefond (nom d'une allée, suivant même délibération), achevé en 1955, l'avenue voisine du 27e RT.A. rappelle que ce régiment de tirailleurs fut décimé par l'avance allemande au Quesnoy (Nord) au printemps 1940.

II

Plus au nord, un quartier naquit, issu de l'immigration consécutive à l'indépendance du Maghreb, avec, les rues d'Alger, de Constantine, d'Oran, de Tunis, de Bône, de Rabat (C.M. du 28 avril 1967). Une impasse de la Noria compléta par délibération du 23 novembre 1983 la desserte du lotissement Sabatier. Mais il nous a fallu traverser la Cour des lutins et la place de la Marelle, noms évocateurs de jeux d'enfants (C.M. du 1er juillet 1987). C'est ici que placée entre les rues Lully et Jean-Sébastien Bach, la rue Manuel de Falla (1976-1946) m'amène à réparer un oubli dans le quartier des musiciens, à l'égard d'un compositeur espagnol, dont Maurice Ravel voyait le "Concerto pour clavecin, flûte, hautbois, clarinette, violon et violoncelle" (Barcelone, 1926, Paris, 1927), comme une page capitale de la musique contemporaine (même délib.). Devant la Maison pour tous de l'avenue Monclar, un square de l'Indochine rappelle une autre partie de l'ancien empire colonial, théâtre de guerres douloureuses (C.M. du 7 juillet 1989).
Ayant quitté la cité maghrébine, le chemin de Lopy -du nom de la famille d'un marquis ici propriétaire aux XVIIe -XVIIIe siècles-, à partir de l'avenue des Deux-routes -celle de Tarascon à coup sûr, et au-delà celle de Marseille -?, l'avenue ou vieux chemin du Lavarin -déformation selon Robert Bailly du nom de Novarin, autre seigneur propriétaire foncier-, le chemin du Viaduc prolongeant l'avenue Monclar, nous entraînent plein sud, cernant le centre hospitalier et les cliniques. Si nous nous arrêtons chemin de Baignepieds (C.M. de février 1971), ce sera pour jauger les crues de la Durance voisine qui inondait fréquemment ce quartier.

 

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