n° 206 Printemps 1999

 

L'Edito de Lucien Aurard
 

Sauveteurs

La montagne cet hiver, a été imprévisible et meurtrière. A cause du mauvais temps, ce qui devait être des terrains de Jeu. de détente et de sport est devenu un lieu de désastre et de mort. Mais ce fut, paradoxalement, l'occasion de découvrir des hommes qui sont, jour et nuit, engagés et vivent des heures et des heures de recherches pour sauver parfois une seule existence humaine. La vie n'a pas de prix. Ils l'ont montré. Au risque de leur propre vie. Les Sauveteurs ! Je fais partie de ceux qui les ont découverts avec admiration. Nous les imaginons forts et à l'abri des dangers. Ils sont comme nous, avec leurs peurs et leurs fragilités. Mais ils sont mobilisés et ont choisi de se battre pour les autres. Ils refusent le silence de la mort. Ils ne lâchent pas la montagne. Toujours présents. Jamais découragés. Ils sont anonymes, les sauveteurs.

 

 

Dans ce numéro de l'Estello, Jean-François parle de ses sauveteurs De son sauveur. Il est venu le chercher là où il était. Dans sa vie de galère. Au bout du rouleau. Son sauveteur avait un visage d'homme. Il était commissaire de police ou membre de la communauté du Pain de Vie. Il ne nous donne pas son nom mais nous apprenons qu'un jour il a pris le visage de Dieu. Le Dieu de Jésus Christ. Celui qui dit : «Je t'aime». Bouleversé il trouve la prière : «Mon Seigneur et mon Dieu». Dieu est dans notre histoire. L'homme dit la beauté de Dieu. Dieu dit la grandeur de l'homme.

Nous sommes à Pâques ! C'est la fête. Dans notre monde habité par la peur, le malheur, la souffrance et la mort, nous célébrons la victoire de la vie. Christ est ressuscité ! De la mort a jailli la vie...

 

...Pâques nous redit qui nous sommes et où nous allons. La nuit de Pâques écrit pour nous l'histoire dans le bon sens. Notre histoire ne se termine pas dans la mort. L'homme n'est pas seulement un être biologique, condamné à la consommation et en définitive après une vie de bons moments et de souffrances. de réussites et d'échecs, abandonné au néant. La résurrection réalise notre vocation d'homme en mettant devant nos yeux cette victoire sur la mort.

Sauveteur sauveur, salut, ces mots sonnent profond dans l'histoire des hommes

 

Témoignage d'un jeune d’aujourd’hui

Dans notre société où tant de jeunes se sentent abandonnés et où leur soif de Dieu est trompée par toutes sortes de biens matériels, le sexe et même la drogue, certains reçoivent un jour la grâce qui sauve. C'est cette recherche et découverte que nous fait partager Jean-François.
Je m'appelle Jean-François Rans, j'ai 20 ans . Je suis né d'une mère alcoolique et d'un père que je ne connais pas, à Bruxelles. Ma mère a connu un homme avec qui elle a eu mes deux soeurs. Quand j'ai eu sept ans ma mère a quitté son mari et nous a emmenés avec elle pour vivre dans le nord de la France. Là, elle a connu un autre homme, puis j'ai eu trois petits frères. Mon beau-père la battait et lui prenait son argent. De ce fait, elle n'était jamais à la maison et passait ses nuits dans les cafés. A douze ans, deux assistantes sociales ont débarqué chez moi pour nous placer en urgence dans des familles d'accueil, et là je suis passé par plusieurs familles ; puis finalement à quatorze ans j'ai décidé d'entrer en foyer ; ensuite j'ai connu le lycée.

J'ai commencé alors à sortir le soir, à boire de l'alcool ; enfin j'ai fini par consommer de la drogue douce puis dure à seize ans ; les seules choses qui m'intéressaient étaient le sexe, les boîtes de nuit et la drogue que je consommais à forte dose.

Vu l'argent qu'il me fallait pour ma consommation, j'ai commencé à "dealer", c'est à dire à vendre de la drogue. J'ai intégré un grand réseau à dix huit ans. J'ai fait une tentative de suicide six mois plus tard ; j'étais au bout du rouleau, n'ayant même plus la force de me révolter.
J'ai eu énormément de problèmes à cause de la drogue. J'ai décidé alors d'aller en parler aux flics. C'était plutôt un moyen pour fuir cette vie de galère et trouver une solution. Je suis tombé sur un commissaire qui me connaissait, puisque j'étais suivi par la brigade des stupéfiants depuis un an.
Là, il m'a conseillé un centre d'accueil : une communauté du renouveau charismatique : le Pain de Vie. J'y ai été accueilli puis j'y suis resté ; psychologiquement et physiquement j'étais complètement "déstructuré" ; c'était dur à cause du manque dû à la drogue. Un soir, je suis allé à l'office des Complies et j'ai entendu cette parole qui était lue par le responsable : "Cherchez et vous trouverez, demandez et l'on vous donnera, frappez et l'on vous ouvrira". Alors j'ai dit : "si c'est Toi qui est dans ce rond blanc, et si tu dis que tu es Dieu, et bien viens me le dire, parce qu'avec le passé que j'ai eu, je ne peux pas croire que Dieu existe. Plus tard, le responsable de la maison est venu me dire qu'il y avait un prêtre que je pouvais rencontrer ; la seule chose que je lui ai répondu c'est que j'étais content pour lui, puis finalement j'y suis allé.
Un mois après mon arrivée en communauté, j'ai changé de fraternité ; je suis allé dans l'Est de la France ; cela date de Février 1997. Deux mois avant Pâques, je commençais à aller à l'adoration puis à la messe et je sentais bien qu'à travers ce rond blanc il y avait "quelque chose de vivant" : mais quoi ?
La fête de Pâques passe ; je continue à aller adorer sans trop savoir ce que je faisais. Une semaine plus tard, je m'inscris pour une heure d'adoration seul. J'y vais.
J'étais assis sur cette chaise, dans le silence, devant ce rond blanc et d'un seul coup je me mets à pleurer toutes les larmes de mon corps en ressentant une immense joie, et au plus profond de moi-même, je comprenais que Dieu me disait "Jean-François, Je t'aime !" Cela m'a complètement bouleversé. C'était la première fois que quelqu'un me disait Je t'aime !
Je compris alors que c'était bien Lui, ce pain de vie, ce Dieu d'Amour qui aimait chaque être que lui-même a créé. Cela s'est passé plusieurs fois encore, à chaque fois que j'allais le voir. Aujourd'hui je comprends qu'à travers ce commissaire, Dieu était venu me chercher et que ensuite il était venu me parler à travers cette parole durant cet office. Moi, à mon tour, je lui ai demandé de venir à mon secours. Puis est venu le sacrement de réconciliation et enfin Dieu m'a donné ce qu'il y a de plus beau dans ce monde : le don de la foi, le don de la vie, le don de Sa vie.
Je voudrais seulement ajouté que maintenant grâce à Dieu je me sens libre ; n'est-ce pas Lui qui a dit : "La Vérité vous fera libre" ?

 

Un article : PAQUES ! CHRIST EST RESSUSCITE ! par Jean ATTALI

I

Deux nuits et un jour se sont écoulés depuis que, le vendredi, avant le coucher du soleil, Marie, les autres femmes, Jean, Joseph d'Arimathie et bien d'autres se sont séparés après avoir «fait rouler la pierre» devant l'entrée du tombeau de Jésus.

Deux nuits et un jour ! Le temps d'un Sabbat ! Le temps, aussi, des premiers repas de la Pâque... une Pâque qui aurait dû être une fête et qui fût pour beaucoup un temps de doutes, de désolation et de larmes.

Les Fleurs et la Liturgie

Qui à Saint Ruf n'a pas admiré la beauté de la décoration florale ? Nous avons demandé à nos deux artistes, Madame Elisabeth Prost et Madame Yvonne Camboulives de nous parier de l'art floral. Elles le font avec retenue en prenant l'exemple du temps de carême qui conduit le peuple chrétien aux fêtes de Pâques.

II

En ce dimanche matin, aux premières heures du jour, Marie de Magdala et «l'autre Marie», la mère de Jacques, vont «visiter le sépulcre». Marc et Luc nous disent qu'elles ont des aromates pour oindre le corps du Christ. Je les crois trop avisées pour s'en aller ainsi, avec l'espoir de trouver un homme qui déplacera la «lourde pierre». Qui oserait le faire en ce temps de suspicion entre pharisiens et disciples ? Par contre, ces femmes que la tradition biblique place devant leurs fourneaux plutôt qu'au temple, sont les premières à apprendre et à annoncer la nouvelle de la résurrection du Christ, comme Elisabeth fut la première à partager le secret de Marie concernant sa proche incarnation. Et peut-être pour les mêmes raisons : reconnaître aux femmes la première place. L'Evangile me paraît être un authentique message d'émancipation de la femme. Il suffit pour s'en convaincre d'évoquer l'importance et la subtilité du dialogue avec la Samaritaine ou l'attention accordée, à deux reprises, aux deux soeurs de Bethanie, Marthe et Marie, ou encore à la femme adultère qui sera l'occasion de renvoyer chacun des accusateurs face à son péché.

 

III

En ce dimanche de la résurrection, la sensibilité et l'intuition des deux Marie suffisent à justifier leur empressement à se rendre au tombeau, non pour y entrer mais pour apaiser leur sourde appréhension. Leur disponibilité spirituelle explique aussi que, malgré leur effroi devant le tombeau vide, elles accueillent sans réticence l'annonce de la résurrection. Elles se taisent (Marc) ou courent annoncer la nouvelle (Matthieu et Luc), mais elles croient. Tel n'est pas le cas des disciples dont le désarroi provoque l'incrédulité (Marc 16,9). Seul Jean «voit et croit» (Jn 20,8) et devient ainsi le symbole de la foi chrétienne.

 

L'art floral est un beau service d'Eglise qui demande une parfaite connaissance de la liturgie, de l'espace liturgique et du sens de la célébration. C'est un art qui éclaire nos liturgies et conduit notre prière dans la beauté.

 

IV

Il faut reconnaître que le Ressuscité ne leur facilite pas la tâche : quel est, en effet, cet «être» fait de chair et de sang dont Thomas peut toucher les plaies, qui participe volontiers à leurs repas, mais qui disparaît comme il est apparu dès qu'il est reconnu ? Telle l'expérience pascale des pèlerins d'Emmaüs et des disciples enfermés dans la salle haute. Pour parler de la résurrection, Paul emploi le terme de «corps spirituel» (ICol 5,35-44) ! Il me plaît de penser qu'en ce dimanche de la résurrection, le Fils de Dieu a cessé d'être homme mais qu'il est toujours le Verbe «par qui tout continue d'être fait» par la volonté du Père. Alors c'est par des «signes» adaptés à la sensibilité et la personnalité de chacun que le Ressuscité va se faire reconnaître. Ainsi Marie de Magdala va le reconnaître et s'écrier dans un élan d'amour : «Rabbouni» lorsqu'il prononcera son nom. C'est bref mais éloquent ! Avec les pèlerins d'Emmaüs, il rompt le pain et, du coup, ils se rappellent que leur coeur était tout brûlant lorsqu'il était avec eux sur la route. Aux apôtres incrédules, il demande : «Avez-vous quelque chose à manger ?» (Luc 24,41). Thomas devra toucher les plaies et dira : « Mon Seigneur et mon Dieu». Aux pêcheurs du lac de Tibériade, il faudra la seconde pêche miraculeuse pour que Simon Pierre se jette à l'eau dans un élan spontané comme il savait le faire (Jn 21,6).

 

V

 

Ainsi nous sont adressés les «signes» qui jalonnent nos vies pour aider chacun d'entre nous à poursuivre sa route.

Une dernière question subsiste : Pourquoi ces apparitions du Ressuscité ? Je risque deux réponses. D'abord parce qu'aucun témoin oculaire ne peut témoigner de ce qui s'est passé dans le tombeau entre vendredi et dimanche. On peut penser que les apparitions authentifient la résurrection qui est la signature divine de l'Evangile. Ensuite parce que ces signes sont, peut-être, ce que les disciples ont gardé pour transmettre leur expérience du Ressuscité et dire leur foi ? Ils deviennent alors les témoins authentiques à qui le Seigneur dit : «Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie.» Après Pentecôte ils commenceront la mission pour que se réalise un peu partout de part le monde le souhait du Christ «heureux celui qui croit sans avoir vu».

«Seigneur, ouvre mes lèvres Et ma bouche publiera ta louange.»

 

 

Notre décoration florale n'est pas faite en fonction de nos idées personnelles, mais bien en regard de la liturgie.

L’art floral étant au service de la liturgie, il contribue à la beauté des célébrations, il est service d'Eglise.

C'est ainsi que notre premier dimanche de Carême symbolisait le désert.

Pour le deuxième dimanche, la Transfiguration était manifestée par des branches de forsythia dans lesquelles quelques fleurs blanches jaillissaient pour évoquer l'éblouissement de lumière dont les apôtres ont été témoins.

Le troisième dimanche a évoqué la rencontre de Jésus avec la Samaritaine ; l'eau vive y était représentée par quelques fleurs blanches, signe de tendresse ; des fleurs rouges nous disaient l'amour infini du Père qui est à l'origine de toute conversion et toute préparation au baptême.

Pour le quatrième dimanche, la composition florale se fait joyeuse. Dieu se manifeste en Jésus-Christ pour illuminer nos ténèbres et conduire les aveugles que nous sommes, en pleine lumière.

Cinquième dimanche : Résurrection de Lazare. C'est la vie nouvelle que célèbre la liturgie : Vie promise à quiconque croit que Jésus est la Résurrection et la Vie. Des lis qui évoquent la joie et l'espérance, dansent d'allégresse.

Nous arrivons au dimanche des rameaux. Des palmes, de l'olivier sont là pour célébrer l'entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem , les roses rouges l'accompagnent vers sa Passion.

Le Jeudi Saint est la fête de l'Eucharistie : en célébrant le repas Eucharistique, nous prenons part au don de lui-même que Jésus fit à son Père. C'est pourquoi une grande table était dressée, rappelant le dernier repas de Jésus avec ses disciples , l'autel du Saint Sacrement était abondamment fleuri pour recevoir le corps du Christ jusqu'au Vendredi Saint.

Le Vendredi Saint : après la mort du Christ, nous dépouillons les autels de toutes les fleurs.

Enfin la fête de Pâques éclate dans le fleurissement abondant célébrant notre joie de la résurrection du Christ. Que la lumière du Christ ressuscitant dans la gloire dissipe les ténèbres de notre coeur et de notre esprit !

E. PROST et Y. CAMBOULIVES

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