n° 222 Printemps 2003

 

L'Edito par Lucien AURARD

 

I

C'est un honneur pour notre journal paroissial de recevoir Hubert Nyssen. Il est éditeur et écrivain. Il a fondé en 1978 Actes Sud qu'il a implanté à Arles. Il nous offre un texte écrit pour nous et à notre demande sur la Résurrection. Je le remercie et veux lui dire combien je suis sensible à ce geste que je reçois comme le cadeau d'un homme de lettres et de l'art qui se définit comme agnostique et dont toute la vie professionnelle est une démarche de résurrection. En effet grâce à sa recherche généreuse et originale d'artistes et d'écrivains inconnus ou peu connus, des auteurs comme Nina Berberova et Paul Auster sont aujourd'hui des hommes et des femmes reconnus, relevés, et mis à leur juste place.

II

La Résurrection est la clef de compréhension du christianisme. C'est le cœur de la foi chrétienne. Sans la Résurrection du Christ, dit saint Paul (1 Cor.15,17) la foi est vaine. Rien du christianisme n'existerait. En fait, pour nous chrétiens, dire la Résurrection c'est notre façon d'affirmer la grandeur et la dignité de tout homme. Dire la Résurrection, c'est porter un beau regard sur l'homme. Nous sommes tellement plus que ce que nous percevons de nous-mêmes au seul niveau de notre monde. Mais nous entrons là dans le langage de la foi. Personne n'a vu la Résurrection. Tout ce que les témoins ont vu c'est un
tombeau vide et pourtant l'expérience des proches de Jésus, après sa mort, est tellement violente qu'ils en ont été changés radicalement. Ils ont unanimement déclaré l'avoir vu vivant. Ils sont morts pour en témoigner et la force de leur témoignage bouleverse toujours des milliards d'hommes. La foi chrétienne repose donc sur le témoignage des apôtres. Ils étaient incrédules et désorientés, ils sont devenus croyants et ils donnent eux-mêmes la raison de leur conversion : le Crucifié, Jésus de Nazareth, s'est imposé à eux comme vivant.

III

D'où plusieurs conséquences qu'il me semble essentiel de souligner :
-    Pour un chrétien, la Résurrection n'est pas un événement historique au sens moderne du terme. Est historique en effet ce qui est accessible à des moyens
d'investigation objectifs. Ce qui est historique c'est le témoignage des apôtres. De plus, pour nous chrétien, la Résurrection n'est pas un événement du passé, mais un
événement réel dont la puissance est actuelle et à venir puisqu'elle n'a pas produit tous ses effets pour la transformation de l'humanité.
-    La Résurrection n'a rien à voir avec la réincarnation. Chaque homme, chaque femme est unique, avec sa propre histoire qui ne se déroule qu'une fois. Chacun de nous est né de la chair et du sang, mais nous croyons aussi que nous sommes nés de Dieu. Nous sommes enfants de Dieu. Notre histoire, ce n'est pas la mort, c'est Dieu.
-    La Résurrection nous dit que le cri de révolte du juste persécuté a été reçu par Dieu. « Dieu l'a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout
nom … le Seigneur, c'est Jésus-Christ à la gloire de Dieu le Père »(Ph2,9-11). La logique destructrice du mal est maintenant renversée. Nous le croyons, l'amour et le
pardon seront plus forts que la haine et la mort. Quel bonheur que cette affirmation de Pierre : « A qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ! »

 

Que la Résurrection soit le cœur de notre foi ou encore et toujours une question lancinante et sans réponse, bienheureux sommes-nous si, dans la dignité, nous tendons la main vers celui qui, comme nous, cherche à se mettre debout.

 

Un dossier : La Résurrection en question - Libre Propos par Anne Camboulives

Et si c'était (I)

par Hubert Nyssen

Réactions de Geneviève Landié (II), Roger et Christianne Mattéi (III) et Martine Nolot (IV)

Hubert Nyssen qui se dit agnostique a bien voulu répondre à la question «Qu'est-ce que la résurrection pour vous ? Il l'a fait sans verser dans la complaisance! Aussi nous a-t-il paru équitable de soumettre son texte à la controverse, avec son accord. Genviève Landié, Roger Mattéi et Martine Nolot, trois universitaires croyants, proposent leur vision. ..

Anne Camboulives : Hubert Nyssen si j'osais je traiterais de printanière votre écriture. Toute vibrante des bruissements ou des tonnerres de la vie, elle en a le goût, les couleurs, la saveur, les audaces et la poésie. Aussi en cette veille de Pâques est-ce tout naturellement que j'ai envie de vous demander ce que la résurrection évoque pour vous ? Hubert Nyssen.jpg (100405 octets) Hubert Nyssen, docteur ès lettres, écrivain* et fondateur des éditions Actes Sud, a reçu le 27 mars, à l'Université de Liège (Belgique), les insignes de Docteur honoris causa en même temps que huit autres personnalités internationales. Chargé de prononcer le discours d'usage il a intitulé celui-ci Les universités scintillent dans la nuit du monde.
* dernier livre paru Sur les quatre claviers de mon petit orgue : lire, écrire, découvrir, éditer

I

Demander ce que représente pour lui la résurrection à un agnostique de mon espèce – qui, par une sorte d'ironie, est né un samedi de Pâques et qui a souvent fréquenté la foi qu'il ne possède pas – c'est le précipiter dans un tourbillon d'interrogations…

Et si c'était


Et si c'était, comme l'affirment certains, l'allégorie la plus dramatique que l'on eût jamais conçue pour célébrer le cycle immuable de la nature et de la renaissance dans les saisons ?
Et si c'était la bonne, vieille et païenne manière de célébrer le surgissement de la lumière, et sa nécessité ?
Et si c'était un signe imaginé pour exprimer notre récurrent besoin de sortir de notre chrysalide ?
Et si c'était une manière de refuser toute rupture dans le processus de construction ininterrompue qu'est la vie ?
Et si c'était comme le point de soudure entre l'au-delà et l'en-deçà ?
Et si c'était une occasion de proclamer un irréductible désir de félicité ?
Et si c'était une façon de rappeler que les forces de l'esprit, pour vaincre la mort, cherchent à se perpétuer par les émotions comme par les idées ?
Et si c'était une parabole de la volonté de survivre face à l'inclination suicidaire de nos sociétés ?
Et si c'était une cérémonie destinée à conjurer le pouvoir des calamités ?
Et si c'était la preuve que les desseins les plus noirs ne peuvent avoir raison de l'existence ?
Et si c'était, face à la tombola du destin, une manière de se dire : pourquoi pas moi ?
Et si c'était une ruse du désir pour tromper le sort qui le contrarie ?
Et si c'était un gage dans le pari de Pascal ?
Et si c'était l'excuse trouvée pour faire croire à nos bonnes consciences que ceux que nous avons crucifiés renaîtront et nous pardonneront ?
Et si c'était un moyen pour donner de l'autorité à ce qui n'a pas vraiment l'air d'en avoir ?
Et si c'était une manière de forcer Dieu à rompre le silence en Lui racontant cette histoire ?
Et si c'était l'évidence que nous avons substituée à l'introuvable preuve de notre immortalité ?
Et si c'était ce qui, avec l'idée de la perfection, fit entrevoir à Descartes l'existence de l'âme et celle de Dieu ?
Et si c'était le meilleur roman écrit du temps des Evangiles ?
Et si c'était la plus shakespearienne des pièces écrites avant Shakespeare ?
Et si c'était l'invention d'un feuilletoniste qui sait qu'on ne laisse jamais mourir le héros d'une belle histoire et que, si l'on s'y est laissé prendre par distraction, il faut le ressusciter dans le plus prochain chapitre ?
Et si ce n'était qu'un mot choisi pour faire la démonstration que les mots peuvent s'emparer des pouvoirs de la chose qu'ils désignent ?
Et si c'était un truc d'apôtre ou une recette de sorcier pour nous obliger à croire sans réfléchir ?
Et si c'était une machination pour nous imposer de comprendre sans recevoir d'explication ?
Et si c'était une manière de nous prouver que nous n'arrivons pas à penser clairement ce ou Celui qui nous a pensés ?
Et si ça restait à jamais une énigme dans les tribulations du hasard ?
Et si c'était une occasion de rappeler, comme l'insinue Renan, que le blasphème est peut-être plus agréable à Dieu que la prière intéressée ?
Et si c'était une question piège pour mettre mon âme à nu ?
Et si la question de la Résurrection n'était pas une question ?
Et si – car il faut en terminer – c'était tout simplement ce que vous croyez que c'est ?

 

II

Hubert Nyssen qui se dit agnostique a bien voulu répondre à cette question, sans verser dans la complaisance ! Aussi nous a-t-il paru équitable de soumettre son texte à la controverse, avec son accord. Geneviève Landié, Roger Mattéi et Martine Nolot, trois universitaires croyants, proposent leur vision…

« La Résurrection est-elle une question ? Faut-il en terminer avec elle?
Mais c'est que je ne peux pas en terminer avec cette question, justement ! Et je bute sur la dernière phrase du texte de Hubert Nyssen : « Et si c'était tout simplement ce que vous croyez que c'est ? ». J'y trouve en creux ce qu'est la Résurrection pour moi. Mais je l'y trouve à la lumière de Blaise Pascal Certes, il n'était pas un théologien de bonne fréquentation, mais comment ne pas se confronter à lui lorsqu'il écrit : « Je crois parce que c'est absurde » ? Oui, c'est absurde de croire en un Christ né, Dieu, Ressuscité. Non pas absurde au sens de « idiot », « imbécile », mais absurde au sens de « qui ne doit rien à la raison ». S'il s'agissait de raison, alors je ne dirais pas « Je crois à la Résurrection », mais « Je sais
qu'il y a eu la Résurrection », et je tenterais de me colleter aussi avec la question : « qu'est-ce que la
résurrection ? ». Mais les belles constructions logiques ne me servent à rien cette fois.
Absurde aussi au sens de « qui ne doit rien au sentiment ». Je ne sens pas d'émotion, qu'elle soit
affective ou esthétique, face à Pâques. J'aime les rites qui entourent cette fête (le feu de la nuit, les bougies allumées puis éteintes, l'eau…), mais ce sont des signes, pas la Résurrection.
Absurde parce que malgré tout il me faut bien faire avec cette certitude intérieure, loin de toute
démonstration, loin de toute effusion : Christ est mort et ressuscité. Désormais, la mort n'aura plus jamais le dernier mot (oui, je sais, je cite Lucien Aurard…). Elle continue à poser sa main partout, à glacer ici, séparer là, saccager ailleurs, désespérer un peu partout. Mais une lumière jaillie le premier
matin de Pâques vacille au-delà : la mort aura beau faire (et elle ne s'en prive pas !), la certitude d'un
Amour inconditionnel et absolu (et cette certitude n'est-elle pas elle-même absurde, quand je me
connais si bien avec mes limites ?) aura toujours un peu plus de force qu'elle. »

 

III

« Depuis des millénaires, les hommes croient en une vie après la mort, comme en témoignent les rites funéraires pratiqués dans la plupart des civilisations : les archéologues ont retrouvé, près du pont du Gard, des squelettes ensevelis dans la Terre (Mère), dans la position du fœtus, tournés vers le lever du soleil.
Bien sûr, on pourrait ricaner en disant qu'il s'agit de superstitions d'un autre âge, incongrues à notre époque tout imprégnée de science, de sagesse et de raison… Nous pensons, au contraire, que nos ancêtres ont eu l'intuition que la fin de leur vie n'était pas l'entrée dans le néant, que la mort n'avait pas le dernier mot, intuition qui trouve son aboutissement dans la Résurrection du Christ, prélude à celle de tous les hommes.
Bien sûr, personne ne pourra prouver la Résurrection du Christ, mais personne, non plus, ne pourra prouver que notre espérance n'est qu'illusion. Jésus n'est apparu ni à Pilate ni à Caïphe ni au Sanhédrin: il ne leur a pas imposé de croire en lui. Ceux qui en témoignent sont ceux qui l'avaient suivi, connu, aimé : quand nous aimons quelqu'un, nous sentons sur son visage, sur son corps, au son de sa voix… des signes imperceptibles d'amour, de joie, de tristesse, de doute… que personne d'autre ne reconnaîtra : le premier témoin, on pourrait s'en étonner, est une femme, Marie –Madeleine, une pécheresse, mise au ban de la société !
Bien sûr, personne ne pourra dire quelle forme prendra notre Résurrection : le fœtus, dans le ventre maternel, peut-il comprendre et appréhender tout ce qui fait une vie humaine: les couleurs des fleurs, le goût des fruits, les joies de l'amitié et de l'amour, la beauté des arts…?
Bien sûr, la Résurrection répond à notre besoin d'amour, de vie, de bonheur. Pourtant, après la mort de Jésus, les disciples n'attendent pas du tout la Résurrection: ils sont abattus et désemparés. Quand on leur annonce la nouvelle, leurs premières réactions sont le doute, l'incompréhension, la peur et le silence. Puis, cette réalité qui les dépasse va transformer leur vie: ces hommes simples, complètement
découragés, vont se mettre en marche : ils ne se réfugient pas dans une félicité stérile mais parlent, voyagent, font des disciples et affrontent un environnement particulièrement hostile.
C'est que la Résurrection du Christ donne tout son sens à la création : notre monde, notre vie, notre humanité sont-ils le résultat du hasard et de la nécessité, ou sommes-nous le fruit d'une volonté intelligente et aimante ?
Tout ce que les hommes ont pu créer et vivre d'ingéniosité, de science, de beauté, de bonté, d'amour… est-il le résultat du hasard, destiné à disparaître dans le vide sidéral ?
Toutes les vies de ces milliards d'hommes, passées et à venir, sont-elles le fruit d'un hasard aveugle ?
Toutes les vies violées, écrasées, massacrées par les horreurs de toutes sortes… ont-elles pour point final la haine, l'injustice, la souffrance et la disparition dans le néant ? Ou bien seront-elles un jour transfigurées par l'Amour et dans l'Amour ?
La mort de nos proches nous a séparés d'eux. La nôtre nous réunira tous dans l'Amour.Sur le seuil de la Maison, notre Père accueillera celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas. Ses bras s'ouvriront sur nous, car nous avons tous été voulus et nous sommes tous attendus. »

 

IV

« J'aime les jeux littéraires où brille l'esprit, et ce petit exercice auquel s'est livré Hubert Nyssen ne manque pas de charme. Qu'y a-t-il au-delà ?


L'auteur se présente comme un agnostique pour qui, bien évidemment, le mot « résurrection » n'a pas de sens. La question d'Anne Camboulives l'a-t-elle vraiment « précipité dans un tourbillon d'interrogations », comme il le prétend ?

Certes le texte multiplie les tournures interrogatives, mais il me semble que toutes les phrases convergent vers le même objectif, celui de tourner en dérision la résurrection.
Et dans ce texte, je ne vois pas seulement le témoignage d'un incroyant ; j'y vois aussi celui d'un esprit résolument pessimiste qui brosse un tableau noir pour les besoins de sa démonstration : l'homme, écrasé par le destin, conscient de sa situation tragique, tente d'y échapper en s'accrochant à l'illusion de la résurrection, potion magique délivrée par l'église sorcière. Ce monde des « calamités », des « desseins
les plus noirs » et des « sociétés suicidaires », a inventé la résurrection, bien commode pour se voiler la face et pour oublier sa faiblesse.
Voilà comment on pourrait lire le texte d'Hubert Nyssen.

Pour ma part, si je suis sensible à la beauté du poème, je ne partage pas la vision du monde que son auteur me semble y exprimer.Je ne parlerai pas de l'au-delà – ce ne sera pas très catholique ; mais je voudrais affirmer que l'homme est étonnant par sa grandeur, par la force qu'il est capable de puiser en lui. Nous rencontrons tous les jours, dans nos vies, des signes de résurrection. Et nous savons bien qu'un regard plein d'amour peut redonner vie à ce qu'on croyait mort.

Hubert Nyssen n'aurait-il pas su regarder le monde ? Je ne le crois pas ; et pourtant son texte semble manquer un peu d'amour et d'espérance.

« Et si c'était une question piège pour mettre mon âme à nu ? » écrit-il. Justement, dans sa réponse, Hubert Nyssen, prisonnier de sa thèse, n'a peut-être pas voulu mettre son âme à nu. Il a préféré le jeu des images. Une fois le processus entamé, la mécanique du jeu avec les mots se déroule, implacable, jusqu'à la pirouette finale. Le plaisir de la création l'a emporté sur l'essentiel. Pour échapper au piège de
la question, il est tombé dans le piège des mots et des images.

Et peut-être lui-même n'en croit-il pas un mot. »

Anne Camboulives : Connaissant l'œuvre et l'action d'Hubert Nyssen, pouvions-nous laisser dire qu'il feint, qu'il n'a d'autre envie que de tourner en dérision, qu'il est pessimiste pour des raisons démonstratives, qu'il ne sait pas regarder le monde, qu'il manque d'amour et d'espérance, qu'il joue, cache son âme ? Certes pas… Invité à réagir, voici ce qu'il nous a répondu : « Je remercie Mme Martine Nolot de m'avoir donné envie de relire et revoir le beau drame de Mike Nichols Qui a peur de Virginia Woolf ? »

Et si c'était ? Belle question, qui ouvre à tant de perspectives! Et si c'était… le prêtre qui me tend la main, le médecin qui m'écoute, l'écrivain qui me nourrit, le musicien qui m'enchante, l'ami qui me sourit ? Amour, talent, générosité, autant d'ouvertures qui suscitent à nouveau, quand on est sombre et désespéré, le désir de vivre et d'agir. Et vous, lecteurs de l'Estello ou d'ailleurs, quelle(s) réponse(s) feriez-vous à cette question de la Résurrection, quelles réflexions entraîne la lecture de ces textes ? Et si c'était à votre tour de prendre la plume ?

 

En parcourant nos quartiers et nos rues - 13 par Michel HAYEZ

I

Quelques femmes se sont glissées dans ces hommages publics, mais il est vrai de façon modeste comme le soulignait un collectif "Droits des femmes 84" il y a un an, ecensant seulement 44 noms de femmes sur les 1300
rues d' Avignon. Déjà du printemps 2000 au printemps 2001, j'évoquais pour le territoire de nos deux paroisses, des musiciens, des troubadours et félibres, des historiens et érudits, des architectes.
Une fois introduits dans ce "Panthéon", ce sont des écrivains qui les premiers nous y attendent, précédant (pour d'autres livraisons de "l'Estello") des peintres et sculpteurs, quelques saints, des hommes politiques, nationaux et locaux, des mili-
taires, des savants...
Fràncesco Pétrarque (1304-1374), né à Arezzo et mort près de Padoue, a pu être qualifié de "père de la poésie moderne
et de la culture humaniste" pour ses lettres et son "Canzoniere" ; il nous est surtout connu pour les invectives contre les mreurs et la saleté d' Avignon, la "Babylone", qui sont celles d'un italien, frustré de la présence des papes à Rome. Retenons plutôt ses séjours enchantés auprès de la Fontaine de Vaucluse et l'amitié qu'il sut gagner et de l' évêque de Cavaillon d' alors, Philippe Cabassole, et du pape Urbain \I:
Laure de Noves serait-elle connue sans le poète ? Avec raison la municipalité attacha leur souvenir à deux impasses (eh! oui) parallèles, à l'angle de l'avenue Saint-Ruf et de la rue de Provence. l' "état civil" de l'inspiratrice
de sa poésie demeure plus qu'incertain -comme il arrive souvent pour les gens du moyen-âge -, mais la vision qu'en eut Pétrarque à l'église Sainte-Claire le 6 avril 1327 en illumina plus d'un.
Nos édiles préférèrent au nom de l'auteur, Honoré d'Urfé (1557-1625), né à Marseille mais originaire du Forez, ami de François de Sales, celui de l' Astrée (1607) -la rue relie
l'avenue de la Cabri ère à l'avenue du Moulin Notre-Dame -, le "premier roman sentimental" de la littérature française, qui! fut la coqueluche des salons parisiens de la première moitié : du XVII' siècle.
Derrière l'école Saint-Ruf et en direction de l'avenue de l'Arrousaire, la rue (Alphonse de) Lamartine (1790-1869) nous rappelle le grand poète romantique, gentilhomme vigneron (près de Cluny) et député désabusé.

II

C'est Lamartine qui en 1859, l'année de "Mirèio", salua Frédéric Mistral de "vrai poète homérique, mention qui me permet de réparer un oubli et de rappeler au rang des poètes
provençaux (évoqués ici à l'automne 2000), Antoine Peyrol (1701-1779) -sa rue mène de l'avenue du Chevalier de Folard vers l' avenue des Sources. En effet ce noëlliste, riche menuisier et fustier, gagne en charme sur Saboly, de l'avis des spécialistes, le fait d'avoir replacé la naissance de l'Enfant Jésus dans le décor d' Avignon, avec ses congrégations, ses confréries...
Contemporains comme ils sont voisins dans l' espace, -deux boulevards parallèles à la rue Lamartine-, Emile Zola ( 1840-1902) et Anatole France (1844-1924). Autant le premier gagna sa popularité avec le roman naturaliste ("les Rougon-Macquart", "1'Assommoir" 1877, "Germinal", 1885), autant le second, de son vrai nom Anatole Thibault, triomphe dans le récit symbolique et bourgeois, narré avec raffinement et élégance ("le Crime de Sylvestre Bonard", 1881, "le Livre de mon ami", 1885, "Histoire contemporaine").
Paul Verlaine (1844-1896), Arthur Rimbaud (1854-1891), deux poètes dont les reuvres reflètent les allées et venues du ciel à l'enfer, tragiquement rapprochés par une passion
contre-nature. Dans notre ville, c'est au nord-ouest de la paroisse Saint-Joseph qu'il faut chercher leurs noms, entre la voie ferrée et ce qui fut le palais des expositions, transformé en salles de sport, l'impasse Rimbaud ainsi dénommée depuis plus de soixante ans, l'impasse Verlaine, créée récemment pour desservir les nouveaux logements qui s'élèvent dans le quartier.
Au risque de faire pâle figure auprès de ces maîtres, Ernest Feuillet (1859-après 1933), toucha bien des Avigonnais par ses "Cent Sonnets" parus en 1913 ; le sous-titre :
"Monuments, places, rues et jardins, types, métiers et couturnes, paysages et environs" laisse bien entendre les divers aspects familiers aux habitants d'alors. l' "homme de
lettres", comme il se présentait lui-même, a vu attribuer son nom à une impasse naguère dénommée "Laure" (de Noves évidemment), perpendiculaire à l'avenue Monclar, à deux
pas du boulevard Jacques-Monod ; en fait, après avoir longtemps vécu rue Grande-Fusterie (nO 65 d'alors !), il s'était
retiré "chemin de la Violette" n° 28 (je ne puis garantir que l'actuelle maison avec jardin, "villa Nazareth", à l'angle du boulevard Jules-Ferry, fût celle du poète).

 

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