I
Avant d'y entrer, n'oublions pas que depuis notre
dernière parution, la municipalité a dénommé trois voies dans le quartier de la gare
du TGV en Courtine ( c'est encore le territoire de nos paroisses !), avec l'avenue de la
Gare, la place de l'Europe et la rue Pierre Boulle (1912-1994), le romancier avignonnais
auteur du Pont de la Rivière Kwaï (1952) mais aussi de la Planète des Singes (1963),
portés à l'écran (le grand) avec le succès que l'on sait.
Le boulevard Champfleury , escorté de ses traverse et impasse du même
nom, surplombé au nord par l'imposant remblai de la voie ferrée et au sud par des
immeubles collectifs vieux d'environ trois décennies (5 ou 6, dont "le clos des
Cèdres", "l'Alérion", "le Saint-Charles") ne nous retiendra que
le temps de remarquer quelques maisons demeurées comme témoins de l'urbanisation du
XIXème siècle: un magasin de pièces détachées pour automobiles (n° Iter), une petite
maison (n° 5 bis) ayant son entrée sur l'avenue de la Violette, une belle construstion
(n° 9) dont le décor sculpté n'est pas moins soigné sur le revers au midi, une grande
et belle maison encore (n° 15) en retrait sur un passage et qui capte le soleil au
couchant. Si l'on a envie de passer à toute allure dans la traverse Champfleury, par
contre, l'impasse présente quelques petites maisons anciennes.
La population s'y est densifiée tout au long du XXème siècle, passant
de 24 ménages en 1893, puis 30 en 1899 à 36 en 1931. Que dire d'aujourd'hui ? L'emprise
du PLM (absorbé par la SNCF en 1937) y est marquée par le domicile de nombreux
employés, conducteurs, d'un chef de gare retraité, de Louis Comte qui tenait la buvette
de la gare vers 1911 ; étaient nombreux aussi à y vivre des militaires, des professeurs
du lycée, soit une population assez mouvante; fort peu de commerces sinon vers 1893, le
cabaret de Madame Blanqui et l'épicerie de Louise André; la boulangerie Doumens vers
1921, tous presqu'impossibles à situer aujourd'hui.
Flâner entre cette quinzaine d'essences végétales nous prendra encore
du temps, mais risquons-nous encore dans ce qui s'appela longtemps le chemin de la
violette, le bien-nommé puisque cette fleur rivalise avec les oxalis pour peu qu'on lui
laisse un coin de terre vierge, voie qui du nord au sud se rapproche progressivement de
l'avenue Monclar pour se fondre en elle: rien d'étonnant alors que les propriétaires de
l'avenue Monclar l'aient été du côté impair de l'avenue de la Violette. Aussi de ce
côté, seul huit ménages étaient-ils recensés en 1921 contre 69 du côté pair. Son
peuplement assez rapide au cours des décennies s'apparente bien à celui du boulevard
perpendiculaire: militaires, employés du PLM (Mme Roth était bibliothécaire à la gare
vers 1899-1911 ), professeurs du lycée, mais -attrait proche de la campagne ? , y
travaillent encore neuf cultivateurs vers 1921 -; nous y rencontrons aussi des artistes:
le plus illustre, Lina Bill ( oh! le jeu de mot; en fait c'est sa compagne,
Marie-Eléonore Billard, qui lui suggéra la dernière syllabe de son patronyme associée
au troisième prénom de baptême du peintre, Lin. De son vrai nom Louis Bonnot, il était
né et baptisé en janvier 1855 à Gruissan (pittoresque village audois entre le golfe du
Lion et les étangs souvent représenté par l'artiste, comme on peut le voir au Musée
Calvet, mais aussi à Paris, au Musée d'Orsay). Après ses études à Narbonne, marié,
il quitte femme et enfant, et vit avec sa compagne à Toulon; le couple s'installe en 1886
à Avignon, où Lina travaille dans l'atelier de Paul Sain et commence à exposer ses
reuvres au Salon des Artistes français, ce qu'il fit non sans distinction, durant quinze
ans. Déçu par un séjour à Marseille, il en revint vite en 1895 et c'est ainsi qu'il
figure sur notre chemin dans un annuaire de 1899. Le succès venant, " il se fit
construire une confortable villa chemin des Lierres" (selon son biographe Claude
Marzeau) où nous le retrouverons.
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II
Un peu plus loin, vivait vers 1893-1921, le peintre
Claude Luneau, né en 1851, sans doute rue Saint- Michel, où son père et son frère
aîné exerçaient l'art vétérinaire; Claude, élève aux
Beaux-Arts de Paris (où il se maria), de Jean-Léon Gérôme (1824-1904), dont il hérita
peut-être sa prédilection pour la peinture objective et réaliste, hostile aux courants
de leur époque, professeur de dessin retiré, vivait rue Saint-Garde (aujourd 'hui
Général Leclerc) au moment de sa mort, le 11 octobre 1925.
C'est le quartier des nombreuses impasses, le long desquelles les
façades s'étirent au midi lorsque la parcelle de terrain le leur permet; des impasses
qui restèrent longtemps privées (et peut-être encore aujourd'hui pour certaines), ce
qui fait que vers 1911, seules étaient identifiées les impasses Allard et des Violettes,
les habitations des autres voies probablement rattachées au chemin de la Violette.
Beaucoup de ces maisons, surtout du côté pair, sont centenaires, cachées dans leur
petit parc, et procèdent d'un parti architectural soigné; au
n°16, la demeure de Monsieur Philippe Estienne, zélé président des "Amis de la
Violette", dont la persévérance pourrait bien amener à une protection du
patrimoine du quartier, construite vers 1903, offre un exemple de construction élevée,
d'inspiration classique par ses ouvertures, par sa corniche et où une grande volute
surplombant la petite terrasse, épaule la cheminée. En enfilade, sur l'impasse des
Violettes (9 maisons vers 1911 : PLM, militaire...), où les logements, aujourd'hui
numérotés de 1 à 7, représentaient des immeubles de rapport pour le propriétaire de
l'avenue de la Violette.
En 1923, fut construite la cité des cheminots (n° 24), aux bâtiments trapus
presque comparable à une caserne. Mais nous voici au-delà du boulevard Jules Ferry et la
fatigue se fait sentir !
Une dizaine de maisons plus loin, devaient s'étendre les fermes des
frères Firmin, celle de Sylvestre, père de l'abbé Marius Firmin qui fut curé de
Saint-Ruf et celle de Joseph,
probablement frères du peintre renommé Claude Firmin (1864-1944).
Saluons enfin la mémoire du grand érudit Pierre Pansier (Carpentras,
1864 -Avignon, 1934) devant sa belle villa (n° 48, elle portait à sa mort le n° 38).
Pierre Pansier avait fait ses études d'ophtalmologie à Montpellier et avait installé
vers 1893 à Avignon cabinet et clinique au centre de la ville; il rédigea bien quelques
études médicales, une histoires des lunettes, mais surtout un nombre important d'études
historiques (191 ouvrages et articles) que lui permettait un ample dépouillement des
sources locales médiévales (sur la langue provençale, le livre, les palais des
cardinaux, un dictionnaire des rues, etc.) ; la revue qu'il créa et finança de 1912 à
sa mort, les Annales d'Avignon et du Comtat Venaissin, était le support de ses travaux
comme de ceux d'autres érudits ; sa générosité permit la publication de plusieurs
études historiques importantes et même de favoriser des aménagements au Musée Calvet
qui était professionnellement son vis-à-vis (salle de lecture, transfert de la
collection de ferronnerie Noël Biret et dont il fit son héritier universel).
-À SUIVRE -
Sources: recensements de population de 1891. 1896, 1911. 1921; listes électoroles de
1874,1889, 1892, 1898; annuaires de 1893,1899,1911 ; Claude Marzeau, dans Alauzen,
Dictionnaire des peintres et sculpteurs, Marseille, Laffitte 1986.
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