n° 218 Printemps 2002

 

L'Edito par Lucien AURARD

 

I

LA BONNE NUVELLE DE PAQUES

C'est dans l'expérience pascale que se trouve la clef de compréhension du christianisme. Tout part de là. Tout part de quatre affirmations proclamées, criées à toute la terre :

-Un certain Jésus a été mis à mort.
-Dieu l'a ressuscité.
-Nous en sommes témoins.
-C'est en lui que se trouve le salut des hommes.

Le premier cri des chrétiens! Les théologiens l' appellent Le Kérigme, ( du grec Kerigma, la proclamation du crieur public). C'est un cri pour tous mais c'est une expérience réservée à des croyants. Jésus ressuscité n'a été vu que par les disciples: Les "non-disciples" ont peut-être vu des signes ou reçu des informations qui les ont étonnés (Le tombeau vide, les femmes bouleversées allant voir les disciples, les onze apôtres d'abord apeurés puis habités d'une grande paix et bientôt débordants d'audace et de joie). Mais l'expérience pascale, la rencontre du ressuscité ne se vit que dans la foi. Même si, chacun, chrétien ou pas, s'accorde à dire que cette expérience initiale a eu une importance capitale pour la suite de l'histoire de l'humanité, il n 'y à jamais eu, pas plus à l'époque de Jésus qu'aujourd'hui, de preuve de la résurrection. Il faut la foi pour "voir" et il n 'y a que les disciples qui voient.

 

II

Par contre ce que nous savons c'est que les témoins ont tous affirmé que cet événement, cette expérience, la rencontre avec le Christ ressuscité avait changé le cours de leur vie. Ce fut pour chacun une expérience vitale. A en
avoir mal au ventre et chaud au creur. Tout d'un coup, ils se sentaient autres, prêts à repartir. Une résurrection! Vivre Pâques, c'est vivre un moment de passage. Un dépouillement. Le voile qui se déchire. Les souvenirs du passé, les blessures, la mort qui tenaille de l'intérieur ne peuvent plus empêcher de voir ce qui se lève. Et ne croyez surtout pas que c'est là une fuite, une façon d'oublier, de fermer les yeux sur la réalité trop souvent douloureuse de notre monde. Nous connaissons le mal et la souffrance. "L'être humain, avant même d'avoir un quelconque pouvoir, commence par souffrir, parfois dès le sein
maternel" écrit Lytta Basset qui voit le Christ ressuscité ouvrir un beau chemin de guérison. Il n'est pas question de fuir et de nier les épreuves de la vie. Mais regardons de face l'homme-Dieu blessé, le crucifié. Il est sorti vivant de
la mort. Rien n'est caché du drame humain. Au contraire nous pouvons revenir à la racine de nos souffrances et nous mettre à distance pour vérifier où nous en sommes. "Je ne suis pas responsable du mal que j'ai subi, mais je suis responsable de ce que j' en fais. Pleinement responsable" écrit encore Lytta Basset.

Dans son article "Vive la vie" Anne s'est mise en recherche de gens blessés qui se sont remis debout. Jean-Paul regarde, avec le regard du musicien, ce qui est en train de naître dans l'enseignement de la musique. Notre évêque,
lui, souligne tout ce qui naît et naîtra encore, dans l'Église, grâce au Concile Vatican II. Voilà des exemples dans l'aujourd'hui de notre vie que le croyant aime lire comme autant de signes de la fraîcheur de l'Évangile et de la nou-
veauté de la foi.

C'est la bonne nouvelle de Pâques.

 

Un article : VIVE LA VIE ! par Anne CAMBOULIVES

 

I


La perspective d'un voyage à Saint-Jacques de Compostelle m'aurait-elle donné envie de prendre
mon bâton de pèlerin ? En tout cas je l'ai fait, allant frapper de porte en porte, à la rencontre des uns et des autres. Tous, ils m'ont dit: "Je suis ressuscité !". Bon, peut-être pas exactement dans ces termes, mais leurs témoignages(1) évoquaient cette idée...

Georges était un sportif accompli, de haut niveau. En fait le sport, c'était sa vie. Se mesurer aux forces de la nature, à l'air pur des cimes enneigées, voilà qui le motivait... au plus haut point. Hélas, un jour c'est la chute. Inexplicable mais sans appel. L'accident le plus
atroce: il est paralysé à vie.

Mathilde venait de fêter ses quarante ans -c'était il y a longtemps... -lorsqu'on vint lui annoncer la nouvelle. Son fils à peine majeur, ne rentrerait pas à la maison. Un accident de voiture... Hurlements. Elle ne peut pas y croire. Le monde s'écroule.

Odile et Jean-Pierre avaient tout pour être heureux : un mariage réussi, de beaux enfants, une situation enviable qu'ensemble ils avaient bâtie à la sueur de leur front. Soudain c'est le crash. Non seulement ils doivent fermer boutique, mais pendant des années subir l'opprobre. On ne prête qu'aux riches... Plus que du dépit, un fort sentiment d'injustice.

Certains se sont d'abord enfermés dans leur coquille. Isolement, dépression, amertume... L'une d'entre eux s'est même "fâchée avec le bon Dieu". Comment Dieu avait-il pu permettre un chose pareille ? D'autres au contraire ont eu recours à la prière.

Aujourd'hui, tous irradient d'une joie vivante, chaleureuse, contagieuse, une lumière intérieure habite leur regard, leur sourire. Que s'est-il passé ? Rien de miraculeux, disent-ils. Mais un jour, ils ont compris...

 

II


... Peu à peu ils ont pris conscience que ces absurdités peut-être avaient un sens. Ils ont entendu. Comme si avant ils étaient atteints de surdité ? Oui, voilà, c'est ça. Ils se sont ouverts à autre chose.

Pour arriver à cette sérénité, chacun a suivi un chemin différent. Mais pour tous, à l'origine de leur réveil, une rencontre. Parfois celle de Dieu, directement. Plus souvent celle de leurs frères, les hommes. Un geste,un regard, une parole inattendus... Oui, c'est vrai, ils étaient en état alors d'entendre. Sans vraiment s'en rendre compte, ils avaient fait un pas. Oui, aller au-devant des autres, accepter de sortir de sa solitude, renoncer à cette vie qu'ils n'auraient plus, de toute façon, c'est peut-être cela qui leur a coûté le plus. Mais c'est aussi à partir de là que tout a vraiment commencé. Dans leur creur et dans leur vie, des choses ont pu être suscitées, de nouveau.

Dans le ragard pétillant de fraîcheur du plus âgé, une lueur malicieuse en forme de message, un tantinet provocateur: "Ne vous fiez pas aux apparences madame, derrière la mort, il y a la vie..."

Alors, absurde, la mort du Christ ? Seulement pour ceux qui n'entendent pas la voix du creur, le chemin de l'espérance et de l'ouverture. Il ne s'agit pas de comparer la souffrance de Notre Sauveur, à ces accidents qui sèment accablement et douleur. Lui savait, Il avait accepté de s'offrir. Les autres souvent ont subi, pas choisi. Et puis, ce serait indécent de faire l'apologie des ténèbres, pour gagner la lumière ? Non, ce qu'ils disaient, ces beaux témoins, c'est qu'une rédemption est toujours possible... Ouvrons bien grand nos oreilles, lâchons l'absurdité. Il est vivant, c'est vrai! Et "nous sommes pour Dieu, pour la vie" comme dit Lucien Aurard, notre berger.


(1) Les histoires sont vraies, les prénoms ont tous été changés.

 

Un article : LES ECOLES DE MUSIQUE : Permanences et Evolutions par Jean Paul JOLY
(professeur au conservatoire d'Avignon)

 

I

 

 

Aujourd'hui, pour qui veut donner à ses enfants une éducation musicale, les solutions sont presque à portée de main. Car depuis 20 ans le nombre d'établissements spécialisés s'est considérablement accru avec les conservatoires de région et départementaux (qui existaient déjà) et surtout avec le nouveau réseau d'écoles municipales en allant, au ras du territoire, jusqu'aux structures associatives qui se sont beaucoup multipliées. Et ceci pour les enfants bien sûr, et parfois même pour les adultes aussi.

Je connais bien cette évolution car c'est une bonne part de mon histoire. Je suis né, en effet, dans une famille de musiciens, avec un père, jeune directeur du conservatoire de Nîmes, qui a épousé une jeune femme élève de son établissement. Ainsi, très jeune, j'ai commencé la musique par l'apprentissage du piano.

 

III

Dans cette école, j'y ai moi-même accumulé tout ce qu'elle pouvait offrir, en terme de formation,
à un jeune musicien. Et j'en étais sorti à la fin de ma seconde lycéenne. A l'époque, il me semblait naturel de faire un métier de musicien mais les deux années de baccalauréat m'ont un peu démobilisé dans la mesure où je n'avais plus d'encadrement direct, ayant fini le conservatoire. Et finalement, je me suis laissé prendre par un autre plan d'études, classes dites de "prépa" et école d'ingénieur, sans avoir vraiment réfléchi à ma motivation et à ma capacité réelle.

Tout cela m'a, à l'époque, complètement coupé du milieu musical et j'ai pu, plus tard, me dire que mon père aurait pu m'encourager à comprendre que j'étais meilleur en musique que là où je me suis engagé. Mais ce n'était pas dans la nature de mon père, me semble-t-il, et il m'a tacitement laissé dans ma liberté de choix. Ce n'est que bien plus tard (plus de 15 ans) que je suis revenu à la musique, (comment serait une longue histoire ! Mais cette foi-ci avec une bonne part d'encouragement paternel), dans l'enseignement. Un proverbe juif dit d'ailleurs clairement : « Dans le métier de ton père, tu n'auras rien à craindre ». Et c'est vrai que depuis 25 ans je vis cette certitude intérieure que je me reconnais, au-delà des vicissitudes de mon métier.

II

A l'époque, dans chaque département, il n'y avait qu'un conservatoire desservant, en gros, la ville et un peu ses faubourgs. En dehors de ce périmètre, aborder une pratique musicale signifiait passer par un professeur privé. Ceci n'était, à mes yeux, pas très satisfaisant car ce type d'enseignement demeure très cloisonné et peu motivant car il prive les jeunes d'un milieu et d'une camaraderie musicale que l'on trouve plus dans une école de musique.

On peut croire que la rareté de l'offre en école de musique entraînait une forme d'élitisme ; ce
n'est pas tout à fait juste. En effet, hier comme aujourd'hui, on perçoit une dominante des classes dites "moyennes à supérieures", mais dans ma jeunesse, j'y ai eu des camarades musiciens d'origine très modeste. Mon père, issu lui-même d'un milieu modeste a beaucoup favorisé l'accès de son école à toutes catégories d'élèves y compris ceux d'origine ouvrière.

IV

Les écoles de musiques aujourd'hui sont, dans une bonne part, en continuité de ce qu'elles étaient avant mais l'évolution constante de la société frappe plus fort à leur sanctuaire. On leur reproche toujours aujourd'hui de plus favoriser la technique que le plaisir dans la pratique musicale. Mais la mutation est quand même commencée ; c'est une question de génération d'enseignants qui évolue. Et cette évolution de la formation se voit souvent plus dans les petites structures que dans les gros établissements. Dans les petites écoles, celles dites de proximité, on voit souvent plus de liberté de choix pédagogiques et un plus grand souci de pratique musicale vivante. Dans les conservatoires, l'évolution est plus ou moins en marche - selon les disciplines - mais je pense que le proche avenir renforcera l'évolution en cours, dans
le bon sens : Celui d'une pratique musicale que les élèves pourront désirer garder, après leur passage en école spécialisée pendant leur jeunesse. C'est ce que je vois se mettre en marche. Cela aurait sûrement été le souhait de mon père.

 

Un article : LE CONCILE VATICAN II : une "grande grâce" pour l'Eglise par Mgr BOUCHEX

 

I

Le père Bouchex est notre évêque depuis 24 ans.
Le Concile Vatican II s'est terminé 7 ans avant son ordination épiscopale.
Il vient d' avoir 75 ans cette année et il va bientôt quitter ses fonctions d'archevêque d'Avignon.
Nous lui avons demandé quelques lignes pour l'Estello.
Spontanément, c'est du Concile qu'il nous parle.

Dans sa lettre "Au début du nouveau millénaire", le Pape Jean-Paul lI écrit: "Chers Frères et Sreurs, quelles richesses le Concile Vatican II ne nous a-t-il pas données dans ses orientations... ! A mesure que passent les années, ces textes ne perdent rien de leur valeur ni de leur éclat. Il est nécessaire qu'ils soient lus de manière appropriée, qu'ils soient connus et assimilés, comme des textes qualifiés et normatifs du Magistère, à l'intérieur de la Tradition de l'Église... Je sens plus que jamais le devoir d'indiquer le Concile comme la grande grâce dont l'Eglise a bénéficié au vingtième siècle: il nous offre une boussole fiable pour nous orienter sur le chemin du siècle qui commence" (Lettre de Jean-Paul II ': Au début du troisième millénaire ", 6 janvier 2001, n° 47).

 

II


Le Concile Vatican II a rassemblé tous les évêques du monde. Avaient été invités et ont été présents avec eux les Observateurs des Églises chrétiennes non catholiques. Décidé par le Pape Jean XXIII, maintenant béatifié, il a commencé le Il octobre 1962 pour se terminer le 8 décembre 1965, alors que le Pape était Paul VI. Concrètement, ses décisions tiennent en quatre Constitutions, neuf Décrets et trois Déclarations. Mais le poids de ces textes ne se mesure pas au nombre de pages et de lignes.

Contrairement à ce que certains disent, le Concile Vatican II n'a pas "bradé" la foi ni la grande Tradition de l'Église catholique. Il n'a pas renié l'idéal chrétien ni amoindri les exigences évangéliques. Certains, il est vrai; l'ont interprété d'une façon partiale et lui ont fait dire des choses qu'il n'a pas dites. Ils en ont tiré parfois l'idée que, pour mieux parler au monde, il fallait gommer ce qui distingue l'Église du monde.

III

En réalité, le Concile a replongé l'Église dans ses sources les plus authentiques: le Dieu Père, Fils, Saint Esprit, l'incarnation et le mystère pascal de Jésus et l'envoi de l'Esprit Saint, la Parole de Dieu, la Liturgie, le Ministère apostolique, l'envoi en mission par le Christ, la prière. Il a voulu que l'Église soit vraiment le Peuple de Dieu, le Corps du Christ, la Communion des hommes dans le Saint Esprit. Tous en elle sont appelés à la sainteté.

Il a redit fortement la nécessité et le rôle fondamental du ministère du Pape, des évêques et des prêtres. Grâce à lui, le diaconat permanent a été restauré. La dignité des laïcs et leur mission au sein du monde ont été remises en lumière. L'importance de la vie consacrée a été clairement soulignée. Une impulsion nouvelle a été donnée à la recherche de l'unité entre les chrétiens. Les relations avec le judaïsme ont connu, grâce à lui, un nouveau départ.

IV

Les conditions du dialogue, dans la vérité, avec les non-chrétiens, en particulier les musulmans, ont été précisées. Le respect de la liberté de tout homme en matière religieuse a été affirmé. Le Concile Vatican II a voulu que l'Église annonce à l'humanité, en actes et en paroles, qu'elle est aimée de Dieu, sauvée par le Christ et appelée à une dignité incomparable. Il a magnifiquement présenté la grandeur et la place de la Vierge Marie dans l'histoire du salut.

Nous pouvons déjà relever les fruits du Concile en bien des domaines. Pourtant, quarante ans après son début, nous ne sommes qu'au commencement de sa mise en oeuvre. C'est une tâche immense et belle qui nous est confiée. La grandeur et la beauté de cette tâche sont le signe de la confiance que nous fait le Christ.

 

En parcourant nos quartiers et nos rues - 10 par Michel HAYEZ

I

Avant d'y entrer, n'oublions pas que depuis notre dernière parution, la municipalité a dénommé trois voies dans le quartier de la gare du TGV en Courtine ( c'est encore le territoire de nos paroisses !), avec l'avenue de la Gare, la place de l'Europe et la rue Pierre Boulle (1912-1994), le romancier avignonnais auteur du Pont de la Rivière Kwaï (1952) mais aussi de la Planète des Singes (1963), portés à l'écran (le grand) avec le succès que l'on sait.

Le boulevard Champfleury , escorté de ses traverse et impasse du même nom, surplombé au nord par l'imposant remblai de la voie ferrée et au sud par des immeubles collectifs vieux d'environ trois décennies (5 ou 6, dont "le clos des Cèdres", "l'Alérion", "le Saint-Charles") ne nous retiendra que le temps de remarquer quelques maisons demeurées comme témoins de l'urbanisation du XIXème siècle: un magasin de pièces détachées pour automobiles (n° Iter), une petite maison (n° 5 bis) ayant son entrée sur l'avenue de la Violette, une belle construstion (n° 9) dont le décor sculpté n'est pas moins soigné sur le revers au midi, une grande et belle maison encore (n° 15) en retrait sur un passage et qui capte le soleil au couchant. Si l'on a envie de passer à toute allure dans la traverse Champfleury, par contre, l'impasse présente quelques petites maisons anciennes.

La population s'y est densifiée tout au long du XXème siècle, passant de 24 ménages en 1893, puis 30 en 1899 à 36 en 1931. Que dire d'aujourd'hui ? L'emprise du PLM (absorbé par la SNCF en 1937) y est marquée par le domicile de nombreux employés, conducteurs, d'un chef de gare retraité, de Louis Comte qui tenait la buvette de la gare vers 1911 ; étaient nombreux aussi à y vivre des militaires, des professeurs du lycée, soit une population assez mouvante; fort peu de commerces sinon vers 1893, le cabaret de Madame Blanqui et l'épicerie de Louise André; la boulangerie Doumens vers 1921, tous presqu'impossibles à situer aujourd'hui.

Flâner entre cette quinzaine d'essences végétales nous prendra encore du temps, mais risquons-nous encore dans ce qui s'appela longtemps le chemin de la violette, le bien-nommé puisque cette fleur rivalise avec les oxalis pour peu qu'on lui laisse un coin de terre vierge, voie qui du nord au sud se rapproche progressivement de l'avenue Monclar pour se fondre en elle: rien d'étonnant alors que les propriétaires de l'avenue Monclar l'aient été du côté impair de l'avenue de la Violette. Aussi de ce côté, seul huit ménages étaient-ils recensés en 1921 contre 69 du côté pair. Son peuplement assez rapide au cours des décennies s'apparente bien à celui du boulevard perpendiculaire: militaires, employés du PLM (Mme Roth était bibliothécaire à la gare vers 1899-1911 ), professeurs du lycée, mais -attrait proche de la campagne ? , y travaillent encore neuf cultivateurs vers 1921 -; nous y rencontrons aussi des artistes: le plus illustre, Lina Bill ( oh! le jeu de mot; en fait c'est sa compagne, Marie-Eléonore Billard, qui lui suggéra la dernière syllabe de son patronyme associée au troisième prénom de baptême du peintre, Lin. De son vrai nom Louis Bonnot, il était né et baptisé en janvier 1855 à Gruissan (pittoresque village audois entre le golfe du Lion et les étangs souvent représenté par l'artiste, comme on peut le voir au Musée Calvet, mais aussi à Paris, au Musée d'Orsay). Après ses études à Narbonne, marié, il quitte femme et enfant, et vit avec sa compagne à Toulon; le couple s'installe en 1886 à Avignon, où Lina travaille dans l'atelier de Paul Sain et commence à exposer ses reuvres au Salon des Artistes français, ce qu'il fit non sans distinction, durant quinze ans. Déçu par un séjour à Marseille, il en revint vite en 1895 et c'est ainsi qu'il figure sur notre chemin dans un annuaire de 1899. Le succès venant, " il se fit construire une confortable villa chemin des Lierres" (selon son biographe Claude Marzeau) où nous le retrouverons.

II

Un peu plus loin, vivait vers 1893-1921, le peintre Claude Luneau, né en 1851, sans doute rue Saint- Michel, où son père et son frère aîné exerçaient l'art vétérinaire; Claude, élève aux
Beaux-Arts de Paris (où il se maria), de Jean-Léon Gérôme (1824-1904), dont il hérita peut-être sa prédilection pour la peinture objective et réaliste, hostile aux courants de leur époque, professeur de dessin retiré, vivait rue Saint-Garde (aujourd 'hui Général Leclerc) au moment de sa mort, le 11 octobre 1925.

C'est le quartier des nombreuses impasses, le long desquelles les façades s'étirent au midi lorsque la parcelle de terrain le leur permet; des impasses qui restèrent longtemps privées (et peut-être encore aujourd'hui pour certaines), ce qui fait que vers 1911, seules étaient identifiées les impasses Allard et des Violettes, les habitations des autres voies probablement rattachées au chemin de la Violette. Beaucoup de ces maisons, surtout du côté pair, sont centenaires, cachées dans leur petit parc, et procèdent d'un parti architectural soigné; au
n°16, la demeure de Monsieur Philippe Estienne, zélé président des "Amis de la Violette", dont la persévérance pourrait bien amener à une protection du patrimoine du quartier, construite vers 1903, offre un exemple de construction élevée, d'inspiration classique par ses ouvertures, par sa corniche et où une grande volute surplombant la petite terrasse, épaule la cheminée. En enfilade, sur l'impasse des Violettes (9 maisons vers 1911 : PLM, militaire...), où les logements, aujourd'hui numérotés de 1 à 7, représentaient des immeubles de rapport pour le propriétaire de l'avenue de la Violette.

E
n 1923, fut construite la cité des cheminots (n° 24), aux bâtiments trapus presque comparable à une caserne. Mais nous voici au-delà du boulevard Jules Ferry et la fatigue se fait sentir !

Une dizaine de maisons plus loin, devaient s'étendre les fermes des frères Firmin, celle de Sylvestre, père de l'abbé Marius Firmin qui fut curé de Saint-Ruf et celle de Joseph,
probablement frères du peintre renommé Claude Firmin (1864-1944).

Saluons enfin la mémoire du grand érudit Pierre Pansier (Carpentras, 1864 -Avignon, 1934) devant sa belle villa (n° 48, elle portait à sa mort le n° 38). Pierre Pansier avait fait ses études d'ophtalmologie à Montpellier et avait installé vers 1893 à Avignon cabinet et clinique au centre de la ville; il rédigea bien quelques études médicales, une histoires des lunettes, mais surtout un nombre important d'études historiques (191 ouvrages et articles) que lui permettait un ample dépouillement des sources locales médiévales (sur la langue provençale, le livre, les palais des cardinaux, un dictionnaire des rues, etc.) ; la revue qu'il créa et finança de 1912 à sa mort, les Annales d'Avignon et du Comtat Venaissin, était le support de ses travaux comme de ceux d'autres érudits ; sa générosité permit la publication de plusieurs études historiques importantes et même de favoriser des aménagements au Musée Calvet qui était professionnellement son vis-à-vis (salle de lecture, transfert de la collection de ferronnerie Noël Biret et dont il fit son héritier universel).

                       -À SUIVRE -

Sources: recensements de population de 1891. 1896, 1911. 1921; listes électoroles de 1874,1889, 1892, 1898; annuaires de 1893,1899,1911 ; Claude Marzeau, dans Alauzen, Dictionnaire des peintres et sculpteurs, Marseille, Laffitte 1986.

 

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