n° 224 Automne 2003

 

L'Edito par Lucien AURARD

Après un été étouffant de chaleur et de sécheresse, après un été où les forêts et les bois ont été les victimes de la malfaisance et de la perversité, après un été où la Provence ne fut pas "Terre de festivals", nous tournons la page des vacances et ouvrons celle de la rentrée.
Notre rentrée, cette année, se fait sans Hervé. Il reste proche de nous, il est avec nous, mais, cette année, malgré les limites que lui impose la maladie, il est parti vivre autrement son amour passionné de la vie. Il va beaucoup nous manquer et nous savons tout ce que nous lui devons. Nous avons été profondément marqués de son empreinte, nourris de sa parole, réveillés, vivifiés par son courage. Il est toujours de notre équipe paroissiale. Il est en "année sabbatique". Nous espérons le voir parfois parmi nous, avec nous, chez lui, ici à saint Ruf mais nous savons qu'Hervé est habité de panache, de passion, de noblesse et si la vie l'appelle ailleurs, il l'écoutera. Olivier Gallet, frère franciscain, rejoint, pour un mi-temps pastoral, notre secteur paroissial. Il a une belle expérience de missionnaire au Togo et en Côte d'Ivoire, nous sommes heureux de l'accueillir et nous le remercions pour tout ce que nous allons recevoir de lui.


Cette année sera fortement marquée par nos projets autour du centenaire de l'église saint Ruf. Nous voulons que saint Ruf soit toujours plus un lieu d'accueil, d'échange, de partage et de rencontre. La vocation de saint Ruf, c'est l'ouverture. L'église rassemble toujours
beaucoup de monde et la qualité des locaux du centre paroissial permet d'accueillir des groupes très divers qui vont de l'association de quartier à la médecine préventive, des chorales, groupes vocaux et ateliers de chant aux associations engagées dans l'humanitaire ou le caritatif. Restaurer complètement l'église saint Ruf à l'occasion de son centenaire et couronner la restauration par l'installation d'un orgue de haute qualité va dans ce même sens et devient pour nous un enjeu pastoral. Dans les semaines qui viennent vous serez sollicités pour participer activement à ce projet qui est sans doute ambitieux mais que nous réussirons grâce à vous.
Vous le voyez, la vie nous bouscule toujours et encore. Et il est bon qu'il en soit ainsi. Une lecture rapide de l'actualité pourrait nous donner l'impression que le tableau parfois se
noircit un peu trop. Mais nous restons résolument du coté de ceux qui font le pari qu'il y a et qu'il restera sur terre beaucoup plus de gens bien que de vilaines gens. Si nous gardons la tête pleine de projets, c'est justement que nous choisissons d'être du coté de ceux qui, jour après jour, dans la discrétion de leurs engagements, de leur efficacité et de leur générosité, aident les autres à vivre.

 

Un article : Rien qu'aujourd'hui... - Libre Propos par Anne Camboulives

I

Difficile de se faire tendre pour adresser courtoisement à ses chers coreligionnaires de bons vœux pour une rentrée tonique, enceinte de projets palpitants. Qui n'a pas été, peu ou prou, blessé par cet été meurtrier à plus d'un titre, ébranlé dans ses convictions, refroidi par cette sombre réalité : la canicule a fait plus de morts en France parmi nos anciens que n'importe où en Europe !

On a bien essayé de mettre cela sur le compte d'un gouvernement pas assez vigilant, sur le manque de personnel hospitalier, enfin sur l'indifférence des uns et des autres : il faut tellement trouver à tout prix des boucs émissaires (sinon ?). Impuissance. Mais ce n'est pas tout, le feu allumé par des mains criminelles a dévoré des dizaines de milliers d'hectares, semé la désolation et la mort, sous leurs yeux des hommes ont vu anéantie l'œuvre de toute une vie. Inconscience. Les uns après les autres, les festivals ont été annulés. Beaucoup d'entre nous ont vécu intensément les péripéties de celui d'Avignon. Chagrin, colère, gâchis, débats divers, tout le monde en eut le cœur brisé. Injustice, manipulation ? Une jeune actrice très aimée du grand public a succombé sous les coups. Violence, encore.

Pitié, pitié, stop ! On pourrait continuer mais nous allons arrêter là un si stérile et déprimant récapitulatif. Ne nions pas les faits, ni notre souffrance bien réelle. Mais déplorer ce qui se passe, cela nous permet-il de vivre mieux ? Assurément non. Apprécions plutôt cette prise de conscience générale : la solidarité indispensable, la fragilité de la nature si l'on n'en prend pas soin, les dangers liés aux excès en tous genres, nous serons tous, forcément, plus attentifs. Gardons-nous de tomber dans le panneau : non, ce n'est pas tout le temps la faute de l'autre ! Nous aussi nous sommes pour quelque chose dans ce qui arrive au
monde, dans le monde. Puisque nous avons cette grâce d'être chrétiens, vivons dans l'espérance, soyons-en des témoins. Et si ce n'est pas facile de sourire en se réveillant, eh bien employons les grands moyens : un pense-bête ! Par exemple, afficher en bonne place dans sa maison cette proposition de Jean XXIII ?

II


DÉCALOGUE DE LA SÉRÉNITÉ

Je suis en mesure de faire le bien pendant douze heures, ce qui ne saurait me décourager, comme si je pensais devoir le faire toute ma vie durant.
1 - Rien qu'aujourd'hui, j'essaierai de vivre exclusivement la journée, sans tenter de résoudre le problème de toute ma vie.
2 - Rien qu'aujourd'hui je porterai mon plus grand soin à mon apparence courtoise et à mes manières. Je ne critiquerai personne et ne prétendrai redresser ou discipliner personne, si ce n'est moi.
3 - Rien qu'aujourd'hui, je serai heureux, dans la certitude d'avoir été créé pour le bonheur non seulement dans l'autre monde, mais aussi dans celui-ci.
4 - Rien qu'aujourd'hui, je m'adapterai aux circonstances sans prétendre que celles-ci se plient à tous mes désirs.
5 - Rien qu'aujourd'hui, je consacrerai 10 mn à la lecture de la Parole. En me souvenant que, comme la nourriture est nécessaire à la vie du corps, la lecture de la Parole est nécessaire à la vie de l'âme.
6 - Rien qu'aujourd'hui, je ferai une bonne action et je n'en parlerai à personne.
7 - Rien qu'aujourd'hui, j'établirai un programme détaillé de ma journée, je ne m'en acquitterai peut-être pas entièrement, mais je le rédigerai et je me garderai de 2 calamités : la hâte et l'indécision.
8 - Rien qu'aujourd'hui, je ferai au moins une chose que je n'ai pas envie de faire, et si j'étais offensé, j'essaierais que personne ne le sache.
9 - Rien qu'aujourd'hui, je croirai fermement, même si les circonstances prouvent le plus que la bonne providence de Dieu s'occupe de moi -comme si rien d'autre n'existait au monde.
10 - Rien qu'aujourd'hui, je ne craindrai pas. Et tout spécialement, je n'aurai pas peur d'apprécier ce qui est
beau et de croire en la bonté.

Si on essayait… rien qu'aujourd'hui ?         Jean XXIII

 

Un article : CE MOIS DE JUILLET 2003 : Foi et Culture au milieu d'intermittents en lutte et d'artistes déçus mais non désamparés. par Robert Chave



L
a première conférence de presse au cloître St Louis le vendredi 4 juillet préfigurait un avenir incertain pour le festival In. Comme les autres années, les divers intervenants ne se retrouvaient pas autour de Monsieur Bernard Faivre d'Arcier. Ce matin, Christiane Bourbonnaud l'accompagnait ainsi que la nouvelle équipe de direction pour 2004 : Vincent Baudriller et Hortense Archambault et deux intermittents du spectacle.

La veille au soir sur Radio Chrétienne en France, avec Alain Léonard Directeur du Off, apparaissait déjà l'inquiétude dans le magazine culturel animé par Francis Pabst. La première rencontre du mardi de festival du 8 juillet s'est tenue avec les acteurs de deux compagnies dont l'une « le Boléro » jouait le spectacle « Passionnément » à l'église St Joseph. La grande manifestation des intermittents venait juste de prendre fin, le Palais du Roure ouvrait ses portes ainsi que de nombreux magasins qui avaient tiré leurs grilles. L'échange a porté sur leur spectacle, le problème de la grève, les questions des intermittents du spectacle. Nous nous sommes éclairés les uns les autres sur ces questions. Un autre échange se fit autour de la représentation d'un intermittent crucifié et flagellé par un autre comédien drapé de l'inscription du M.E.D.E.F. Le lendemain, cette photo était à la une pour illustrer la manifestation dans les divers journaux locaux et même dans le « Métro », journal gratuit distribué dans le métro de Paris. Après quelques coups de téléphone et consultation, un communiqué est adressé à la Presse, reproduit dans la presse locale et à la Une sur le site internet de la Conférence des évêques de France et sur le site de l'Eglise d'Avignon. (Voir encadré)

Avignon, le 9 juillet 2003

A l'attention des media

Je vous remercie de porter cette réflexion à la connaissance de vos lecteurs :

 

Une croix dans la rue...

Un comédien mis en croix sur la place du Palais des Papes, certains jeunes, ou moins jeunes, en ont été choqués. Le prêtte qui a porté la croix du Christ en ces lieux au cours des vingt dernières années pour la célébration du Vendredi Saint, s'interroge, comme l'ont fait les comédiens et les participants à la rencontre du mardi de Foi et Culture au Palais du Roure ce mardi 8 juillet

En s'appropriant ce symbole, les manifestants ont fait référence consciemment ou non à un héritage chrétien qui pour nous est toujours vivant La Croix est pour les Chrétiens Arbre de Vie, la Croix nous invite à espérer, car nous savons qu'elle est le chemin de la Résurrection.

Etait-ce leur message ?

 

Mgr Robert Chave (Délégué diocésain à la culture)

Le mercredi 9 juillet, rencontre à l'université d'Avignon avec le C.E.R.T.A. sur le thème « le théâtre et le geste ou le jeu de l'acteur », rencontre animée par Bernadette REY-FLAUD avec la participation dynamique de comédiens venus de Pologne, d'Italie, de Grèce et de France présentant masques, mimes, pantomimes, suivi d'un échange.

Le long compagnonnage du Festival et de Musique Sacrée se traduit pour la première fois aussi par l'annulation, d'où une grande incertitude pour les parties musicales prévues pour les « Dimanches de Festival ». De fait, le dimanche 13 juillet, la messe s'est déroulée comme prévu, les Petites Chanteurs de Sainte-Croix de Neuilly ont chanté la Missa Brevis en si bémol majeur de Mozart. A cette liturgie est venue se joindre la communauté des moines tibétains du monastère de Gyutö. Lors d'une rencontre au rocher des Doms la veille au soir ils avaient exprimé leur désir de voir la cathédrale et le célébrant les a invités à la prière de ce dimanche. Comme l'écrit Armelle Héliot dans le Figaro « Les moines tibétains qui sont au cœur du spectacle de Bartabas et qui, s'il comprennent la tristesse du fondateur de Zingaro, ont quelque difficulté, on le comprend, à saisir le fondement des disputes avignonnaises. Hommes de foi et d'esprit, ils ont écouté l'homélie. Mgr Robert Chave y évoquait ce jour où, juste après sa mort à Sète, accompagné de Paul Puaux, il s'était rendu dans le bureau de Jean Vilar et avait trouvé sur la table l'un des programmes de son association si fertile aujourd'hui encore, « Foi et Culture »… Les moines de Gyutö n'entendent pas le français. Mais la langue de la spiritualité, oui. »

Le mardi 15 juillet, nous avons maintenu notre deuxième rencontre. Elle a eu lieu en l'absence de Valère Novarina, la pièce n'étant pas jouée en raison de la grève des intermittents du spectacle. Il s'est rendu à Lausanne pour préparer son spectacle « La scène ». Louis Castel en grève ne donnant pas son spectacle, nous avons pensé que nous ne pouvions pas rester muet. Il nous a lu quelques passages de « Devant la parole » de Valère Novarina. « La parole ne se communique pas comme une matière marchande, comme une denrée, comme de l'argent, elle se transforme, elle passe et elle se donne (…) elle passe entre nous comme une onde et se transforme de nous avoir traversés. C'est le don de parler qui se transmet ; le don de parler que nous avons reçu et qui doit être donné (...) Il n'y a rien qui ne soit plus au secret de la matière que le mystère verbal. Le monde est un langage, notre parole s'en souvient. » Une cinquantaine de personnes ont participé à un échange très riche.

Le jeudi 17 juillet rencontre avec une équipe d'Assomptonistes au centre Magnanen avec le père P.Lombard curé de Villeneuve les Avignon et la participation du père R.Pousseur Secrétaire National d'Arts Cultures et Foi, dans le contexte du festival d'Avignon et la présence de l'Eglise locale.

Le dimanche 20 juillet la messe de France Culture célébrée par Mgr Jean-Pierre Cattenoz, Archevêque d'Avignon a été retransmise sans modification de programme. Le colloque Foi et Culture « Vision des artistes sur l'Europe et sur le Monde » n'a pas eu lieu après décision prise avec Bartabas et Bernard Faivre d'Arcier ;de même que le troisième mardi qui était lié au colloque lui-même « Vision culturelle et spirituelle de Robert Schuman » avec le père Maurice Rieutord S.J.

Le dimanche 27 juillet la messe a été privée du Chœur Régional Languedoc-Roussillon Francis Poulenc, annulée comme tout le programme du Cycle d'orgues de Musique Sacrée en Avignon. La participation des religieux assomptionnistes a donné une note internationale à notre liturgie.

De très nombreux forums se sont tenus dans la ville pendant toute cette période. Il serait bon que nous puissions entreprendre une réflexion à notre niveau sur ce mois d'été. Avignon une fois de plus a été révélateur des problèmes de notre société, que ce soit pour nous une halte sabbatique.

Des questions se posent à nous tous : quelle forme donner à la participation de l'Eglise à la Culture ? Des suggestions sont attendues. Avignon demeure terre de rencontres.

 

La laïcité dans nos quartiers vers 1900 - 1920 par Michel HAYEZ

Dans le passé comme aujourd'hui, la lai'cité a fait couler beaucoup d'encre et enflammé les esprits. Il nous a paru opportun de rappeler les evènements qui ont marqué nos quartiers au début du siècle derniel :

Gageure que traiter ce sujet à propos de la création de la paroisse St-Ruf en 1912 ! Le mot de laïcité, spécifiquement français, paralt-ll, et son concept ont pu etre perçus d'une manière négative: Les "lois scélérates" de la IIIème République suscitées par le gouvernement du radical Emile Combes, interdisant l'enseignement aux congrégations religieuses même autorisées, mise sous séquestre de leurs biens (1904), séparation des Eglises et de l'Etat (1905) -devant la résistance du clergé et des paroissiens de
St-Agricol aux opérations de séquestre (février 1906), le préfet fit appel à la force armée -, succédant au rétablissement du divorce sur la proposition du député vauclusien Alfred Naquet (1884, vote de la
loi par le Sénat) ; mais perçus aussi progressivement comme positifs: "La règle dans une perspective de laïcité ouverte, c'est le dialogue entre les traditions qui tissent la trame de l'unité nationale et d'une conscience nationale" (Mgr Gérard Defois, "La Croix" du 6 septembre 1996).
Dans les luttes d'opinion de ce début du XXème siècle, deux pôles semblent les cristalliser sur le territoire de nos paroisses (St-Joseph créée en 1959, le Sacré-Creur dès 1925) : les installations du chemin de fer, gare et dépôt des machines depuis près d'un demi siècle alors, et le pensionnat de Champfleury. L'historien du droit de l'Eglise, Gabriel Le Bras, a écrit: "L'établissement des chemins de fer fut pour le clergé rural un sujet d'effroi, à cause des éléments hostiles qu'il introduirait provisoirement ou à demeure dans le terroir. ..La gare est en pays chrétien comme un îlot de dissidence, une menace et une tentation." (Cité par P. Pierrard, L'Eglise et les ouvriers en France (1840-1940), 1984). La mobilité des cheminots comme celle des militaires, enseignants, représentants de commerce transparait lors de la première visite canonique à St-Ruf (17 juin 1915) : "Il est impossible de savoir le nombre de non-baptisés. La population est assez flottante, elle change souvent de domicile."

AChampfleury, les soeurs trinitaires de Valence ouvrirent leur pensionnat vers 1875. Mme Hoursat en avait pris la direction en mars 1882 ; un agrandissement autorisé par
l'inspecteur d'académie, fut réalisé en 1892. Fin 1902, il ressort que dix-sept sreurs géraient l'internat et l'externat, celui-ci pour trente jeunes filles; les sreurs âgées venaient s'y retirer car la vocation première de la congrégation était hospitalière (ainsi à Bollène). Malgré l'avis du commissaire central de police: les sreurs n'ont jamais attiré sur elles l'attention publique", le préfet et le conseil municipal entourant le franc-maçon Pourquery de Boisserin étaient défavorables à la congrégation dans des établissements d'enseignement. Après le départ des sreurs en 1903, Léonie Grégoire rouvrit le pensionnat dès octobre et elle obtînt son extension à 77 lits en trois dortoirs ( octobre 1903 ). Cette directrice devait demander
l'autorisation d'inviter les parents pour la première communion de leur fille. A la rentrée de 1905, le pensionnat était dirigé par une demoiselle Vacher, assitée de six maîtresse comme personnel interne et de quatre maîtresses externes. Enjuin 1906, l'inspecteur d'académie put rassurer le préfet inquiet de recevoir une lettre anonyme dénonçant le maintien de la congrégation dans l'établissement: "Tout le personnel est essentiellement laïque et non sécularisé" (il faut comprendre par ce dernier teme ex-religieux). Alors que l'établissement avait atteint avant 1921 la capacité de 82 lits sur deux étages, Mlle Vacher envisageait d'en ajouter 20 au deuxième étage. En rappelant que le maximum d'internes devait être de 87, l'inspecteur d'académie ne s'opposait pas formellement à cette nouvelle extension (avril 1921). Ainsi en ces temps difficiles, le pensionnat de Champfleury ne souffrit pas trop, sous le couvert de la laïcisation.

Les mandats renouvelés du maire opportuniste Pourquery de Boisserin, républicain radical, de 1888 à 1903 où il démissionna, lui permirent assurément de transformer l 'urbanisme,


notamment dans notre banlieue sud, une reuvre poursuivie par les maires Henri Guigou (1904-1910), adhérant à l'union républicaine
(en opposition aux radicaux et radicaux-socialistes), et Louis Valayer (1910-1919), un radical-socialiste à nouveau. Ces deux premières décennies virent ainsi l'ouverture de la rue de Provence, des boulevards Gambetta, Jules-Ferry, Stuart-Mill, des Villas (devenu Jacques-Monod), de la rue Jules-Gaillard (peut-être plus tardivement). Leur dénomination nous arrêtera un instant puiqu'elle est révélatrice de l' exaltation des valeurs républicaines appliquées simultanément à l'école laïque : égalité, respect de tous, gratuité, à l'occasion de ces hommages publics. Léon Gambetta (1838-1882),
tribun radical, ardent défenseur de la République au lendemain de la défaite de 1870-1871, adversaire déclaré du pouvoir temporel du pape, accéda soixante-treize jours à la présidence du Conseil (1881-1882). Jules Ferry (1832-1893), avocat hostile à l'Empire, député de la gauche républicaine, ce libre-penseur occupa le ministère de l'Instruction publique, puis simultanément la présidence du Conseil (1880-1881 et 1883-1885). Adversaire de la loi Falloux de 1850, tout en soutenant le concordat de 1801, il fut l'instigateur des grandes lois relatives à l'enseignement: après l'avoir interdit même sous forme privée aux jésuites et aux membres des congrégations (27 février 1880), il met en place l'école primaire gratuite, obligatoire et laïque (juin 1881 et mars 1882) et crée les lycées de jeunes
filles. A 1 'intersection du boulevard Gambetta et de l' avenue St-Ruf, se trouve la place Jules-Guesde, du nom d'un journaliste anarchis-
te devenu marxiste (1845-1922), organisateur en 1879-1892 du Parti ouvrier, co-fondateur de la Section française de l'Internationale ouvrière (S.F.I.O.). La rue Clovis Hugues, partant en deux points de l'avenue de la Trillade, doit son nom au député marseillais, originaire de Menerbes (1851-1907), doué de talents artistiques (poésie, dessin). Quant à Jules Gaillard, courte rue entre
les avenues du Blanchissage et des Lierres, c'était un avocat né à Apt (1847-1889), député radical d'extrème gauche et, lui aussi, poète à ses heures. Resterait à évoquer parmi les noms de rues,
quoique plus tardif, celui de Louis Gros, député socialiste modéré depuis 1924, maire deux mois en 1925 puis de 1929 à 1940, qui après avoir fait créer les offices publics d'habitation à bon marché
(décret du 24 mai 1930), fit construire dans notre banlieue, à Champfleury, de 1931 à 1936, les cités réparties en 40 bâtiments et offrant 341 logements.

Des représentants influents des communautés minoritaires, juifs et protestants, avaient élu domicile dans nos quartiers : les uns et les autres peu favorables au régime concordataire
et désireux d'échapper à la tutelle de la loi Falloux, soutinrent en 1905 la loi de séparation. L'affaire Dreyfus qui éclata en 1898, ne fit qu'envenimer le courant hostile aux premiers. La grande villa de
l'avocat Albert Carcassonne surgit vers 1900 aux carrefours actuels (après modification) des avenues de la Violette et Monclar et du Boulevard Jules-Ferry ; il faisait partie de la commission d'administration du "Sou des écoles", reuvre satellite de la Ligue de l'enseignement. Les pasteurs Pierre (dit Louis) Rey (1835-1932),
ministre à Avignon dès 1860, et Joseph Autrand, installé par le consistoire de Lourmarin en 1877, habitèrent au moins temporairement les quartiers de St-Roch et Monclar. La communauté protes-
tante comptait parmi ses fidèles la famille anglaise King, industriels possédant des fabriques de poudre de garance (notamment à Orgon à partir de 1830) -la rue Théodore-King, ouvrant sur
l'avenue St-Ruf, permet aux piétons de rejoindre l'impasse de la Gazelle -, l'agronome distingué Edgar Zachareswicz plusieurs fois évoqué dans ces pages de "l'Estello".

La loi Waldeck-Rousseau du 1" juillet 1901 consacra le droit à la liberté d'association, mais les sociétés de secours mutuels eurent une existence avant même la reconnaissance de la liberté syndicale (1884). Ces sociétés de prévoyance regroupaient ici respectivement instituteurs et institutrices laïques (dès 1880), jeunes filles des écoles laïques, jeunes garçons mutualistes, employés des tramways électriques, des postes, mécaniciens et chauffeurs du P.L.M., ces derniers constituant un fief de la S.F.I.O. au quartier St-Ruf. Les catholiques avignonnais ne demeuraient pas en reste: apparurent ainsi une association des écoles libres de la ville d'Avignon (1" mai 1904), une association des amis de l'enseignement libre (entre 1904 et 1913)
(à suivre)

 

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