n° 220 Automne 2002

 

L'Edito par Lucien AURARD

 

I

Nous le savons depuis le 21 juin, le père Jean Pierre Cattenoz, prêtre du diocèse d'Avignon, responsable général des prêtres de Notre Dame de Vie, vient d'être nommé archevêque d'Avignon. Monseigneur Bouchex avait annoncé au début de l'année qu'il allait remettre au Saint Père sa démission comme le demande le Concile Vatican II aux évêques et aux prêtres lorsqu'ils ont atteint 75 ans. Accueillir un nouvel évêque est toujours un événement important pour la vie d'une Eglise locale. Dans les Eglises, catholique, orthodoxe, orientales non-catholiques, anglicane, les évêques, en effet, ont toujours été considérés comme les successeurs des douze apôtres institués par le Christ comme fondement de son Eglise. Pour nous, catholiques, ils forment avec le pape le collège épiscopal, successeur du collège apostolique.

 

II

L'Eglise d'Avignon est donc confiée au père Jean Pierre Cattenoz pour qu'il en soit, avec la coopération des prêtres, le pasteur. Il en est le représentant comme chaque évêque représente son Eglise. Chacune de ces Eglises particulières s'appelle un diocèse. L'Eglise universelle est faite de tout cet ensemble de diocèses et chaque diocèse est par lui-même une représentation de l'Eglise universelle que l'on aime appeler, depuis le Concile Vatican II (1962-1965), " Peuple de Dieu " pour souligner la continuité entre le peuple juif et les chrétiens et bien montrer que l'Eglise est d'abord une communauté humaine où chacun est appelé par Dieu au même bonheur et à la même dignité même s'il n'a pas la même fonction.

III

Le père Jean Pierre Cattenoz va recevoir l'ordination épiscopale des mains de Monseigneur Bouchex, son prédécesseur, le dimanche 13 octobre à 16 heures, au parc des Expositions de Châteaublanc. Par l'ordination épiscopale il recevra la plénitude du sacrement de l'ordre, et par là, la charge et le pouvoir d'enseigner, de sanctifier et de gouverner " la portion du peuple de Dieu qui lui a été confiée ". Pour accomplir sa mission, il ne sera pas seul. Il sera aidé par les prêtres du diocèse qui forment avec lui un collège que l'on appelle le presbyterium et par l'ensemble du peuple de Dieu. Son rôle, en effet, est autant de communiquer que de diriger. Saint Cyprien, évêque de Carthage au 3ème siècle, disait : "Dès le début de mon épiscopat, je me suis fait une règle de ne rien décider d'après mon opinion personnelle sans votre conseil, à vous les prêtres et les diacres et sans le suffrage de mon peuple".

IV

Le père Jean Pierre Cattenoz est notre nouvel évêque. Le père Bouchex après 24 ans d'épiscopat parmi nous, se retire. Heureusement nous le gardons en Vaucluse. Dans l'humilité et la simplicité il devient aumônier du monastère de la Visitation à Sorgues et prêtre accompagnateur de l'aumônerie de l'hôpital psychiatrique de Montfavet. Nous sommes à un moment de passage. Nous vivons une Pâques. Un certain dépouillement. Mais l'affection que nous avons pour le père Bouchex loin de nous enfermer dans le souvenir du passé nous invite à regarder ce qui se lève.

 

Un article : témoignage d'une participante recueilli par Anne Camboulives

Saint-Ruf à Saint-Jacques
Ils en parlaient depuis des mois, et ils l'ont fait! 43 pèlerins ont pris le car à 5h du matin le 29 juillet dernier, non sans avoir éprouvé quelques frayeurs... Le voyage aurait pu tomber à l' eau. Mais le Padrecito était là, à tous les points de vue: on ne pouvait plus compter sur l' organisation prévue au départ ? Qu'à cela ne tienne! Avec la col- laboration précieuse de son amie Jeanne I'Orangeoise, spécialiste de littérature médiévale espagnole, un nouveau plan fut mis sur pied, et l' anniversaire de ce cher et irremplaçable curé serait bien fêté, pour de bon, en Galice... Quant à cette grande fatigue qui avait un moment risqué de compromettre la présence d'Hervé, elle eût le bon goût de se faire oublier. Qu'eût été le périple sans lui ? Ah qu'ils étaient contents les paroissiens de Saint- Ruf!
Parmi eux, Lucien Aurard eut la surprise de découvrir son frère et parrain, ainsi que sa belle-sC2ur. Le père Lapeyrere, de Béthanie, était également du voyage, mais nous ne saurions nommer tout le monde, si vous voulez en savoir plus, il vous faudra enquêter...

Incursions dans le passé
Celui que nous appelons Jacques est connu en Espagne sous le nom de Santiago. Un culte lui est rendu dans cette ville depuis le IVème siècle. Il est présenté comme un apôtre pélerin qui aurait évangélisé l'Espagne pendant 7 ans. Il fut décapité à Jérusalem sur ordre de Hérode Agrippa en 44. Son corps aurait été déposé par ses disciples Athanase et Théodore dans une barque sans pilote, guidée par les anges, qui aurait mis 7 jours pour parvenir à l'embouchure de l'actuelle Ria de Arousa.
En 813 l'ermite Pélage ayant vu briller une étoile avec plus d'intensité que les autres, "champ des étoilesl1 (Campus stellael, tel sera nommé le lieu où sont découverts trois corps, dont l'un décapité; c'est celui-ci que Téodomir, l'évêque wisigoth de Iria Flavia décrètera être celui de Saint Jacques. Le pèlerinage s'organise, la première église est construite vers 840, une autre le sera en 1078.
Au Xllème siècle le pèlerinage est à son apogée. La fameuse coquille apparaît: très abondante sur les plages de Galice, les premiers lacquetsl1 la ramassaient en souvenir. Elle orne le large chapeau aux bords relevés qui coiffe Saint Jacques, représenté, fait unique dans l'iconographie, tels les pénitents itinérants: avec une longue pèlerine, muni d'une besace et d'un bourdon. Vers 1140-1150, le dernier livre du Codex Calixtinus (du pape Calixte 111 constitue le premier guide pour pèlerins; il décrit les quatre routes principales en France qui fusionnent à Puente-Ia-Reina en Espagne pour former le Camino Francès.
A partir du Xlllème siècle l' afflux de pèlerins commence à décroître. Au XVlème le déclin se fait sentir: l' esprit humaniste de l'époque dénonce les superstitions. La Réforme s'oppose également à ces coutumes catholiques. De surcroît l'Inquisition espagnole, très dure, n'incite pas au voyage, et après l' échec de l'Invincible Armada espagnole, la flotte anglaise se fait très menaçante sur les côtes galiciennes. Au XVllème et XVlllème siècles on considère le pèlerinage comme une incitation à la paresse et au vagabondage. Sous la Révolution et l'Empire enfin, les pèlerins subissent force persécutions.
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Comme vous le lirez sous la plume des "4M" les conditions de ce pélerinage estival furent bien différentes... Et c'est sain(t}s et saufs que conduits par un chauffeur qui n'avait jamais eu de groupe plus sympathique, les pèlerins revinrent à Saint-Ruf le 5 août à minuit. Nous ne dirons rien du cheminement spirituel que chacun a pu vivre personnellement, cela leur appartient. En revanche du point de vue pratique, tout le monde est ravi, la solidarité fut toujours présente: de la bonne humeur malgré "1'heure espagnole" et les petits "couacs" inévitables, une bonne entente, point de clan, ni de cancans. Guidés par Jeanne, ils ont suivi dans leur gigantesque voiture les chemins que prennent les pèlerins à pied ou à vélo (qu'ils furent impressionnés de croiser avec bâtons et sacs à dos, y compris des femmes seules} et gagné Saint-Jacques peut-être sans chemin de croix, mais après... quatorze arrêts qu'ils mirent à profit pour prier, se rafraîchir, manger ou dormir. Traversant des régions austères, écrasées de soleil, aux villages couleur de terre, ils ont visité une cathédrale gothique à Burgos, une splendide église romane à Fromista, échangé sur le thème du partage autour d'Hervé, sous un auvent à San Miguel de Escalada. Ils ont vu aussi la montagne, des paysages verdoyants, se sont arrêtés à une croix de fer sur un petit monticule où l'on dépose pierres et papiers, tout ce qui est "lourd à porter"... A Acebo la messe fut célébrée à la terrasse d'un café, en présence de quelques personnes du village. Emotion d'un autre genre à l'église de Saint Jacques lors d'une messe concélébrée par nos prêtres, où furent cités comme présents les membres de la délégation avignonnaise... Sur le chemin du retour au lieu de Silos, ils s'arrêtèrent à Covarrubias, dont l' orgue typiquement espagnol est très réputé d'un point de vue musical. Ils se souviendront longtemps du merveilleux concert qu'y donnèrent Günther, Lorène et Marie-Virginie. Bien sûr tout finit par une messe.

Renseignements historiques de Jeanne Raimond

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Un article : Camino de Compostela par Les 4"M" : Marie-Thérèse, Michèle, Mireille et Monique
"Les souffrances du pèlerin"
Un vrai miracle a eu lieu sur le "Camino de Compostela". Nous avons survécu à toutes ces tortures !
Nous nous attendions à reposer nos membres fatigués sur la paillasse du pèlerin et nous avons été contraints à dormir dans de la plume !
Nous espérions être tirés de notre sommeil par le clairon du chef, alors qu'une douce musique nous faisait émerger.
Au lieu du filet de la source qui nous aurait permis de nous "débarbouiller", nous avons dû utiliser des confortables salles de bain qui ont éliminé les chaudes odeurs du pèlerin !
Tandis que nous aspirions au jeûne total, dans un ermitage, nous avons été forcés à aller manger au "parador", le restaurant le plus réputé de la ville !!
Profitant de notre recueillement dans la cathédrale, huit bedeaux de St Jacques ont tenté de nous assommer et de nous asphyxier à grand coups de "Botafumiero" : encensoir en argent, construit en 1554 (l'original aurait été volé par Napoléon), pesant 50 kg, mesurant l m 50 de haut et lancé à toutes volées sous les voûtes, sur un trajet de 50 m. !!!
Tout au long du voyage, notre guide Jeanne, Docteur es Vieilles Pierres, nous a gavés de commentaires, nous faisant partager son immense érudition.
Nous avons même été entraînés dans des lieux de perdition, qui sentaient le souffre, où il était question d'un breuvage flambant, destiné à chasser les mauvais sorts jetés par les sorcières de la lande; "la queimada".
Bref, nous nous attendions à un pélerinage, à pied, purement spirituel, nous avons eu droit à un voyage culturo-gastronomique, dans un car de luxe conduit, de main de maître, par un chauffeur de luxe, Didier.

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En parcourant nos quartiers et nos rues - 12 par Michel HAYEZ
Champfleury, un grand jardin. (suite)

I

Prolongée par l'avenue des Sources jusqu'à la rocade Charles-de-Gaulle, l'avenue de l'Arrousaire ("l'arroseur") mérite bien le nom que lui vaut ce quartier humide. Au début du XXème siècle, il y avait encore quatre lavoirs publics avec gérant, et dans les décennies suivantes, la quantité relative de blanchisseuses perpétua la tradition.
En 1911, le côté ouest (pair, mais la numérotation des immeubles n'existait pas alors extra-muros) comprenait vingt-neuf maisons contre cinquante-sept à l'est, dont les façades étaient naturellement plus ensoleillées; un décalage qui ne se démentit pas dix ans plus tard où les mêmes côtés abritaient respectivement cinquante-trois contre cent-trois ménages. Lorsque le terrain était spacieux, la façade de l'immeuble pouvait être alignée au midi, ainsi pour la grande et belle maison (n°10) d'Achille Maureau (1860-1921) qui, négociant en charbons, fut conseiller général ( canton de Bédarrides) de 1901 à sa mort, élu président de l'assemblée départementale en 1912 et sénateur de 1905 à 1920. Au sénateur Maureau succéda le maître de forges Emile Desfond, héritier en partie de son père Joseph ( 1828 ? -1901 ) qui, associé à ses frères Marcel et Eugène, avait transféré en 1864 à l'entrée de la route de Tarascon ses hauts- fourneaux et la fonderie créée deux ans plus tôt au quartier de Bonaventure. Après le décès d'Emile en 1932, l'urbanisation du quartier s'accentua pour donner lieu à un lotissement desservi par le boulevard Emile-Desfond (1937) ; cette maison de maître est aujourd'hui le foyer d'Action éducative spécialisée (FAES) "le Regain".
Alors qu'aujourd'hui ne subsistent comme commerces d'alimentation que deux boulangeries (en comprenant celle du 92 avenue des Sources) et celle de Monsieur Paul Gilles, président de la Chambre de Métiers au 87 rue de l'Arrousaire), s'alignaient au-delà de la maison Maureau-Desfond en 1921, à faible distance l'une de l'autre, épicerie, boulangerie, boucherie. A cet égard, le côté est (devenu impair) de notre vieux chemin n'était pas en reste, et les famille Dammet et Capian ( celle-ci au coin de la rue Alphonse-Daudet) tinrent distinctement deux épiceries durant le premier quart du siècle au moins.
Le peuplement croissant du quartier entraîna après la deuxième guerre l'ouverture de l'école des filles et de la maternelle "Sixte-Isnard-l'Arrousaire". Les derniers occupants ouest il y a presque un siècle étaient horticulteurs (comme la famille Guillermin), cultivateurs, et même de l'autre côté il y avait un viticulteur. Les petits garages de réparation automobile, n°15, n°85 (aujourd'hui fermés) perpétuent pour ainsi dire le souvenir d'un maréchal-ferrant et d'un forgeron, du même côté mais pas forcément à ces emplacements. A peu près simultanément apparurent le fondeur Martin Urbe, recensé en 1911, les entreprises du chauffagiste Pierre Daillant (Louis Daillant donne son nom à une courte avenue du quartier), de l'entrepreneur de maçonnerie et travaux publics (la tour de pierre bâtie dans la cour du n° 48 vaut une signature !) Joseph Biancone, venu, semble-t-il, des Abruzzes via la Maroc au début de la première guerre mondiale, du fabricant de vêtements prêt à porter Valadier (n°66-68) en activité vers 1955-1985. Aujourd'hui l'atelier de bonneterie Durand (n°13) maintient ici la tradition du textile.

II

Robert Bailly a consacré dans "Avignon hors les murs" un paragraphe au n°79, demeure invisible nichée dans un parc que protège une grille assez ouvragée et qui aurait abrité en 1906 l'archevêque Mgr Sueur, soit quelques mois avant sa démission, alors que la loi de séparation des Eglises et de l'Etat expulsait le prélat de l'hôtel de Mons-Crochans, face à l'hôtel de ville. La résidence de la rue du Collège de la Croix ne fut aménagée, semble-t-il, qu'en 1936.
Nous sommes ici à l'extrémité sud de l'avenue mais à proximité des remparts. l'on peut regretter la disparition de la maison de l'érudit Joseph Girard (c'était le n°7); Celui-ci (1881-1962), rchiviste-paléographe en 1903, fut durant 42 ans le conservateur du Musée Calvet et, bien sûr de la bibliothèque municipale (1906-1949) ; il créa ainsi rue Joseph- Vernet les salles de ferronnerie, des primitifs avignonnais, installa le musée lapidaire dans l' ancienne église des Jésuites rue de la République. La retraite fit de lui le conservateur fort distingué du palais des papes. Sa bibliographie comprend plus de 50 titres, certains essentiels comme "les Etats du Comté venaissin... jusqu'à la fin du XVlème siècle", l'histoire du Musée Calvet, le précieux guide "Evocation du vieil Avignon". Dans sa notice nécrologique, Jacques de Font-Réaulx, mon prédécesseur aux Archives départementales, évoqua "la vaste maison de ses beaux-parents, avec une large cour plantée de platanes, un décor à souhait pour les trois garçons et les deux filles qui peuplèrent son foyer". Parmi ceux-ci, René Girard, né en 1923 et tôt fixé comme professeur aux Etats-Unis après sa sortie de l'Ecole des Chartes, est l'auteur-phare de plusieurs ouvrages de psychologie et d'anthropologie très remarqués : "Des choses cachées depuis la fondation du monde" (1978), "Je vois Satan tomber comme un éclair" (1999) et, dernier en date "Celui par qui le scandale arrive" (2001), pour n'en citer que trois, toujours consacrés à la violence et aux boucs
émissaires.
Perpendiculaire, la rue de la Pépinière (aujourd'hui numérotée à partir de l'avenue Saint-Ruf, pairs au sud, impairs au nord), reliant l' Arrousaire à l'avenue Saint-Ruf, rappelle tout autant la vocation végétale du quartier. Quelques maisons remontent à la fin du XIXème siècle, certaines aux décors particulièrement soignés, comme les n°17-19. Peut-être Siméon Texier, employé au P.L.M. qui laissa son monogramme (S.T.) sur la maison n°22 où les soubassements des fenêtres ainsi que les modillons en briques qui courent sous le chéneau, apportent quelque note de couleur, était-ill'occupant recensé en 1936. Un peu plus loin vécut le peintre Alfred Bergier (1881-1971), élève de Grivolas, animateur du groupe des Treize et successeur de Jules Flour comme enseignant à l'école des Beaux-Arts ; ses paysages aquarellés sont réputés et le musée Calvet en conserve quelques tableaux. Une habitante de l'impasse des Pensées m'indique que ses grand-parents bâtisseurs ici d'une villa en 1903, laissèrent à l'entrepreneur le choix de son nom, qui fut étendu à l'impasse. Mais c'était anciennement le clos Saint-Michel et une haute bâtisse de pierre attend peut-être encore de livrer le secret de ses occupants.

 

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